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un petit ruisseau ! Jean lui-même nous tiendra lieu de ce ruisseau, car il est allé puiser à la source ; il a fait descendre le Verbe du haut du ciel jusqu’à nous : il l’a abaissé, et, en quelque sorte, terrassé. Nous n’avons plus, par conséquent, à redouter ses grandeurs ; il s’est humilié, approchons-nous donc de lui.
13. Il y a certainement une manière vraie et solide de comprendre ces paroles : « Le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils » : puissions-nous la bien saisir ! Voici la raison pour laquelle elles ont été prononcées ; c’est qu’au jugement le Fils seul apparaîtra aux regards des hommes. Le Père se cachera, et le Fils se montrera. Comment se montrera-t-il ? Dans la forme avec laquelle il est monté au ciel. Comme le Père, il se dérobera à la vue dans sa forme de Dieu, mais il se manifestera dans sa forme d’esclave. « Donc, le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils », tout jugement public, cela s’entend. Dans ce jugement public, ce sera le Fils qui jugera, parce qu’il se fera voir à ceux qu’il devra juger. L’Écriture nous enseigne, de manière à nous enlever jusqu’à l’ombre d’un doute, qu’alors il se manifestera à tous les yeux. Quarante jours après sa résurrection, il monta au ciel en présence de ses disciples, et un ange vint leur dire : « Hommes de Galilée, pourquoi demeurez-vous là, regardant les cieux ? Ce Jésus qui, du milieu de vous, s’est élevé dans le ciel en reviendra de la même manière que vous l’y avez vu monter[1] ». En quel état l’y voyaient-ils aller ? Dans ce corps qu’ils avaient touché et palpé, dont ils avaient contrôlé les cicatrices, avec lequel il pénétrait au milieu d’eux et sortait de leur assemblée pendant quarante jours, se montrant à eux en toute vérité, sans supercherie, non pas comme une ombre, un fantôme ou un esprit, mais tel qu’il dit lui-même, d’accord avec la réalité : « Touchez et voyez, car un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai[2] ». Ce corps est digne d’habiter le ciel, car il n’est plus exposé aux atteintes de la mort, ni aux vicissitudes des différents âges. Pour parvenir à l’état où il se trouvait alors il avait dû traverser la distance qui sépare l’enfance de la jeunesse, mais il ne parcourra pas l’espace qui se trouve entre la jeunesse etla vieillesse : il restera tel qu’il était au moment de son ascension, et il reviendra tel vers ceux auxquels il a voulu faire prêcher sa parole avant son retour. Il apparaîtra donc dans sa forme humaine : cette forme se montrera même aux regards des impies ; ceux qui seront placés à droite, et ceux qui seront placés à gauche le verront également cela est écrit : « Ils verront celui qu’ils ont percé[3] ». Puisqu’ils doivent voir celui qu’ils ont percé, ils verront donc ce même corps qu’ils ont frappé avec une lance ; car une lance n’a pu blesser le Verbe : les impies seront donc à même de contempler ce qu’ils ont été capables de blesser. Ils ne verront pas le Dieu qui sera caché sous la forme humaine ; niais, après le jugement, il se fera voir à ceux qu’il aura placés à sa droite. Voici donc le sens de ces paroles : « Le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils ». Le Fils viendra publiquement juger les hommes : alors, il leur apparaîtra sous sa forme humaine et dira à ceux qui seront placés à sa droite : « Venez, bénis de mon Père, entrez en possession de mon royaume » ; et à ceux qui se trouveront à sa gauche : « Allez au feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges [4] ».
14. Le Sauveur se fera donc voir, dans sa forme d’homme, aux fidèles et aux impies, aux justes et aux pécheurs, à ceux qui auront eu la foi et à ceux qui ne l’auront pas eue, à ceux pour lesquels sa présence sera un sujet de joie, et à ceux dont elle fera le désespoir, à ceux qui auront mis en lui leur confiance, et à ceux que le jugement aura couverts de confusion : on le verra donc comme homme. Et quand il se sera ainsi montré sur son tribunal, quand la sentence aura été prononcée et que se sera vérifiée cette parole : « Le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils » ; car le Fils apparaîtra au jugement dans la forme qu’il a empruntée à notre nature, alors qu’arrivera-t-il ? Quand se montrera-t-il dans sa forme de Dieu, que tous les saints brûlent de contempler ? Quand verront-ils ce qui était au commencement, c’est-à-dire le Verbe, le Dieu en Dieu, par qui toutes choses ont été faites ? Quand apercevront-ils cette forme de Dieu, dont l’Apôtre a dit : « Ayant la nature de Dieu, il n’a point cru que ce fût pour lui une usurpation de s’égaler

  1. Act. 1, 3, 9-11
  2. Lc. 24, 39
  3. Zach. 12, 10 ; Jean, 19,37
  4. Mt. 25, 31-41