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Christ lui-même qui fait connaître au Christ?. C’est la tête qui montre aux membres. Ce phénomène se passe en toi, Veuille le remarquer. Suppose que tes yeux sont fermés et que tu veux saisir un objet : ta main ne sait où se porter, et, néanmoins, tu ne saurais en douter, ta main est du nombre de tes membres, puisqu’elle n’a pas été précédemment séparée de ton corps. Ouvre les yeux ; alors elle voit de quel côté elle doit se diriger ; la tête a fait apercevoir l’objet, et le membre est allé le saisir. Puisqu’en toi-même nous remarquons ce fait que ton corps montre un objet à ton corps, et que par l’intermédiaire de lui-même, ton corps aperçoit cet objet, il n’y a plus sujet de t’étonner de mes paroles, quand je dis : C’est le Christ lui-même qui fait connaître au Christ. Le chef montre, afin que les membres aperçoivent ; il enseigne, afin que les membres s’instruisent ; et, cependant, la tête et les membres ne forment tous ensemble qu’un seul homme. Il n’a pas voulu se séparer de nous, mais il a daigné s’unir à nous. Il se trouvait loin de nous, et singulièrement loin ; car, qu’y a-t-il de plus éloigné que la créature à l’égard du Créateur ? que Dieu et l’homme ? que la justice et le péché ? que l’éternité et la condition d’un être mortel ? Ainsi était éloigné de nous « le Verbe qui au commencement était Dieu en Dieu, et par qui toutes choses ont été faites ». Par quel moyen s’est-il donc rapproché de nous, au point de devenir ce que nous sommes et de manière à ce que nous soyons en lui ? « Le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous [1] ».
10. Il nous montrera donc cela, comme il l’a montré à ses disciples pendant le cours de sa vie terrestre. Qu’est-ce cela ? « Comme le Père ressuscite les morts et les vivifie, ainsi le Fils vivifie ceux qu’il veut ». Le Père vivifie-t-il ceux-ci, et le Fils ceux-là ? Certainement, toutes choses ont été faites par lui. Que disons-nous, mes frères ? Le Christ a ressuscité Lazare ; quel mort le Père avait-il fait sortir vivant du tombeau, afin d’apprendre au Fils, par son exemple, la manière dont il devait ressusciter Lazare ? Ou bien, quand le Sauveur a rendu la vie à Lazare, le Père ne l’a-t-il pas aussi ressuscité ? le Fils a-t-il été seul à opérer ce prodige, et l’a-t-il opéré indépendamment du concours de son Père ? Lisez le récit de cette résurrection, et vous verrez qu’au tombeau de Lazare, le Christ a invoqué son Père et l’a prié de rendre la vie à ce mort [2]. En tant qu’homme, il invoque le Père ; en tant que Dieu, il agit de concert avec lui : en conséquence, la résurrection de Lazare s’est effectuée par la coopération simultanée du Père et du Fils avec la grâce et comme don du Saint-Esprit, et ce merveilleux événement est l’œuvre de la Trinité entière. Ces paroles « Comme le Père ressuscite les morts et les vivifie, ainsi le Fils vivifie ceux qu’il veut », ne doivent donc pas être entendues en ce sens, que le Père ressuscite et vivifie les uns, tandis que le Fils ressuscite et vivifie les autres ; mais nous devons en conclure que le Père et le Fils ressuscitent également et par ensemble les mêmes morts ; car, « toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n’a été fait ». Aussi, pour montrer que sa puissance, bien que lui venant du Père, était néanmoins égale à celle du Père, le Sauveur a-t-il ajouté : « Ainsi le Fils vivifie ceux qu’il veut » : ces paroles prouvent l’existence de sa propre volonté. Que personne ne dise : Le Père ressuscite les morts par le Fils ; mais c’est comme tout-puissant, c’est parce qu’il possède le pouvoir de le faire. Pour le Fils, il n’agit qu’en vertu d’une puissance étrangère à sa personne, et qu’en qualité de ministre, comme ferait un ange ; que personne ne parle ainsi, carie Christa affirmé son pouvoir, en disant : « De même, le Fils vivifie ceux qu’il veut ». En effet, le Père ne veut pas autre chose que ce que veut le Fils ; mais comme ils ont ensemble une seule et même substance, ainsi n’ont-ils qu’une seule et même volonté.
11. Qui sont ces morts que vivifient le Père et le Fils ? Sont-ce ceux dont nous avons parlé, Lazare, le Fils de la veuve de Naïm[3], ou la fille du chef de la synagogue[4] ? Car, nous le savons, ces trois morts ont été rappelés à la vie par le Christ. Dans le passage précité, le Sauveur veut nous faire entendre qu’il s’agit d’autre chose, c’est-à-dire de la résurrection des morts que nous attendons tous pour la fin du monde, et non de celle qui a été accordée à quelques-uns pour amener les autres à la foi. Enfin, si Lazare est sorti vivant du tombeau, il devait cependant y rentrer un peu plus tard ; et nous, quand nous

  1. Jn. 1, 14
  2. Jn. 11, 41-44
  3. Lc. 7, 14-15
  4. Id. 8, 51-55