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manière un peu plus à votre portée, à condition qu’il nous resterait, pour cela, après la lecture, assez de forces et de temps. Si je vous disais qu’il m’est encore possible de parler, vous me répondriez peut-être que vous n’êtes plus capables de m’entendre : peut-être aussi, dans un désir ardent d’écouter la sainte parole, me diriez-vous : Nous pouvons continuer. Je préfère donc vous avouer ma faiblesse, car je suis déjà fatigué, il m’est impossible de vous entretenir davantage ; puisque vous êtes bien rassasiés, à quoi bon vous servir de nouveaux aliments, que vous ne pourriez suffisamment digérer ? Aussi, la promesse que je vous avais faite pour aujourd’hui, au cas où il me resterait assez de temps, je m’en acquitterai demain avec l’aide de Dieu : Considérez-moi donc comme votre débiteur à cet égard.

VINGTIÈME TRAITÉ.

ENCORE SUR CE PASSAGE : « EN VÉRITÉ, EN VÉRITÉ, LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE PAR LUI-MÊME, QU’IL NE LE VOIE FAIRE AU PÈRE. QUELQUE CHOSE QUE CELUI-CI FASSE, LE FILS LE FAIT AUSSI COMME LUI ». (Chap. 5, 19.)

UNITÉ D’ACTION DANS LA SAINTE TRINITÉ.

Quoiqu’il soit dit, dans l’Écriture, que Dieu se reposa le septième jour, cette parole du Sauveur est vraie : « Le Père agit toujours ». En effet, si le Fils agit, c’est par le Père, car, en lui, voir et être, exister et pouvoir agir sont la même chose ; puisque le Père lui a donné l’être, il lui a donc aussi donné ta puissance. De là, néanmoins, il ne suit pas que le Fils soit inférieur au Père étant inséparables l’un de l’autre, et tous deux éternels, loin d’agir l’un sans l’autre, ils agissent par ensemble et pareillement. Pour se faire, autant que possible, une idée de ce mystère, il faut s’élever par de là le monde des esprits jusqu’à Dieu, comme l’apôtre saint Jean.


1. L’Apôtre Jean ne s’est pas appuyé sans motif sur la poitrine du Sauveur ; il voulait y puiser les secrets d’une sagesse surhumaine et nous transmettre dans son Évangile ce qu’il aurait, par son amour, puisé à cette source. Aussi, les paroles du Christ, qu’il nous rapporte, sont-elles plus mystérieuses et plus difficiles à saisir que toutes celles rapportées par les autres Évangélistes : elles ont un sens tellement profond, qu’elles jettent dans le trouble les hommes dont le cœur est perverti, et surexcitent l’intelligence de ceux qui ont le cœur droit. C’est pourquoi j’engage votre charité à fixer toute son attention sur le peu de paroles qu’elle vient d’entendre lire. Voyons si, avec la grâce et le secours du Sauveur, nous pourrons comprendre les paroles qu’il a voulu faire arriver jusqu’à nous, qu’il a prononcées lui-même et fait écrire autrefois pour que nous les lisions aujourd’hui. Que signifient donc les paroles que vous lui avez entendu prononcer tout à l’heure : « En vérité, en vérité, je vous le dis : le Fils ne peut rien faire par lui-même qu’il ne l’ait vu faire au Père ; tout ce que fait le Père, le Fils le fait aussi comme lui ? »
2. À quelle occasion ces paroles furent-elles prononcées ? Il faut vous rappeler le commencement de la leçon précédente. Dans les cinq portiques de la piscine de Salomon se trouvaient un certain nombre de malades : le Sauveur avait guéri l’un d’eux, et lui avait dit : « Prends ton grabat, et retourne dans ta maison ». Ceci se passait un jour de sabbat. Grand sujet d’émoi pour les Juifs ; ils prirent de là prétexte de l’accuser comme violateur et destructeur de la loi. Alors il leur dit : « Mon Père agit toujours, et moi aussi [1] ». Ces Juifs comprenaient dans un sens tout charnel l’obligation d’observer le sabbat, et s’imaginaient qu’après avoir travaillé à la création du monde

  1. Jn. 5, 8, 17