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serez éclairés[1] ». Si vous êtes éclairés en vous approchant de lui, et qu’en vous en éloignant vous tombiez dans les ténèbres, c’est la preuve que votre lumière a sa source, non en vous, mais en Dieu. Approchez de lui, pour qu’il vous renie la vie ; vous mourrez, si vous vous en écartez. Puisqu’en vous approchant de lui vous vivez, et que vous mourez en vous en écartant, votre vie n’avait donc pas en vous son principe : votre vie et votre lumière sont donc une seule et même chose. « Parce qu’en vous se trouve la source de la vie, et que dans votre lumière nous verrons la lumière [2] ».
13. Avant d’être éclairée de Dieu, l’âme est dans un état tout différent de celui où elle se trouve ensuite, et elle devient meilleure dès que la participation à un être plus parfait vient à l’illuminer : il n’en est pas ainsi du Verbe de Dieu, du Fils de Dieu : avant de recevoir la vie il n’est pas autre chose qu’après l’avoir reçue ; il n’est pas en possession de la vie comme s’il en devenait participant avec le Père : il l’a en lui-même, et il est lui-même la vie. Que veulent donc dire ces paroles : « Il a donné au Fils d’avoir la vie en lui-même ? » Le voici, en deux mots. Le Père a engendré le Fils. Le Fils n’a pas reçu la vie après en avoir été un certain temps dépourvu, mais par sa génération, il est la vie. Le Père est la vie sans être engendré ; le Fils est la vie parce qu’il est engendré. Le Père n’a pas de père qui l’engendre : le Fils est engendré de Dieu le Père. Le Père ne tient de personne ce qu’il est : il est Père à cause du Fils ; le Fils est tel à cause de son Père, et ce qu’il est, il le tient du Père. Ces paroles : « Il a donné la vie au Fils, afin qu’il l’ait en lui-même », veulent donc dire ceci : Le Père qui est en lui-même la vie, a engendré son Fils qui serait aussi la vie en lui-même. Car pour ce qu’il en est du verbe engendrer, le Sauveur a voulu nous le faire entendre dans le sens de donner ; comme si nous disions à quelqu’un : Dieu t’a donné l’être. À qui a-t-il donné l’être ? Si l’homme, auquel il a donné l’être, existait déjà, il ne le lui a pas donné. Comment donner la vie à celui qui l’avait déjà, et comment celui-ci aurait-il pu en recevoir le bienfait, puisqu’il le possédait déjà ? Ces paroles : Il t’a donné l’être, signifient donc que tu n’existais pas, qu’en conséquence tu pouvais recevoir la vie, et que, par ce fait même que tu as commencé d’exister, tu as reçu l’être. Un architecte a donné à une maison d’exister. Que lui a-t-il donné ? De devenir une maison. À qui a-t-il accordé un tel bienfait ? À cette maison. Que lui a-t-il donné ? D’être une maison. Comment a-t-il pu donner à une maison de devenir une maison ? Si elle existait déjà, y avait-il réellement possibilité de lui donner de devenir ce qu’elle était ? Que veulent donc dire ces mots : Il lui a donné de devenir une maison ? Il l’a fait devenir maison. Qu’est-ce que le Père a donné au Fils ? Il lui a donné d’être son Fils ; il t’a engendré pour qu’il fût la vie ; c’est-à-dire : « Il lui à donné d’avoir la vie en lui-même », afin qu’il fût la vie même, qu’il n’eût pas besoin de la puiser ailleurs, et qu’on ne le regardât point comme ayant une vie d’emprunt. Si, en effet, il n’avait qu’une vie reçue d’ailleurs, il pourrait la perdre, et, par là, n’en plus avoir : tu ne dois rien supposer ou imaginer, ou croire de pareil à l’égard du Fils. Le Père est donc toujours la vie, et il en est de même du Fils : le Père a la vie en soi, mais il ne la tient pas de son Fils ; le Fils a aussi la vie en soi, mais il la tient de son Père : il a été engendré de son Père, afin d’être la vie en lui-même ; mais le Père n’a pas été engendré pour être la vie en soi. Le Fils n’a pas été engendré plus petit que le Père, pour grandir ensuite et devenir son égal. Lui qui, dans la plénitude de la perfection, a créé tous les temps, il n’a pas eu besoin du temps pour se perfectionner. Avant tous les siècles, il est coéternel au Père. Jamais le Père n’a été sans le Fils, et comme il est éternel, le Fils lui est donc coéternel. O âme humaine, que dire de toi ? Tu étais morte, tu avais perdu la vie ; écoute le Père dans la personne de son Fils ; lève-toi, reprends la vie ; puise en celui qui a la vie en soi, celle qui ne se trouve pas en toi-même. Le Père te vivifie, et le Fils aussi : alors s’opère ta première résurrection, quand tu ressuscites pour recevoir la vie que tu n’as pas, et qu’en la recevant tu deviens vivant. Sors de ton état de mort ; reviens à ta vie qui est ton Dieu : passe de la mort à la vie éternelle. En effet, le Père a la vie éternelle en lui – même, et si le Fils qu’il engendre n’était point pareil à lui, et n’avait point la vie en soi, il serait incapable de donner la vie à ceux qu’il

  1. Ps. 33, 5
  2. Id. 35, 10