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Or, il n’a pas dit : Ils entendent, parce qu’ils vivent ; mais, ils revivent, parce qu’ils entendent, « Ils entendront, et ceux qui auront entendu vivront ». Qu’est-ce donc à dire : « Ils entendront ? » Ils écouteront. Si l’on ne s’en tient à l’action matérielle de l’organe de l’ouïe. Il est sûr que ceux qui entendront ne vivront pas tous ; car il en est beaucoup qui entendent et ne croient pas : ils entendent et ne croient point : c’est pourquoi ils n’écoutent pas, et parce qu’ils n’écoutent pas, ils ne vivent pas. Les mots : « Qui entendront », n’ont donc ici d’autre sens que celui-ci : Qui écouteront. Aussi, ceux qui auront écouté vivront. On prêche le Christ, Verbe et Fils de Dieu, par qui toutes choses ont été faites. Par un effet particulier de la grâce, il s’est revêtu de notre humanité et il a pris naissance dans le sein d’une Vierge : on l’a vu enfant, il est devenu adolescent, il a souffert, il est mort, ressuscité et monté au ciel ; il a promis la résurrection des corps et celle des âmes, et, d’après sa promesse, les âmes doivent ressusciter avant les corps, et les corps après les âmes. Celui qui entend et écoute, vivra celui qui entend et n’écoute pas, c’est-à-dire, celui qui entend et méprise, qui entend et ne croit point, ne vivra pas. Pourquoi cela ? Parce qu’il n’entend pas. Qu’est-ce à dire Il n’entend pas ? Il n’écoute pas. Donc, « ceux « qui auront entendu vivront.
11. Écoute, maintenant, ce dont nous avons dit vouloir différer l’explication, pour la donner à ce moment-ci autant qu’il dépendra de nous. Au sujet de cette résurrection, le Christ ajoute aussitôt : « Comme le Père a la vie en soi, ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir en soi la vie ». Qu’est-ce à dire : « Le Père a la vie en soi ? » Il ne la puise pas ailleurs, il la trouve en lui-même. La vie ne lui vient pas d’une autre source, elle n’est pas pour lui chose étrangère ; c’est son bien propre, elle réside en lui : personne ne la lui prête, pour ainsi parler ; il n’en devient point participant, comme si elle était différente de sa propre substance ; mais il a la vie en soi, de telle façon que cette vie, c’est lui. S’il m’était possible de vous parler encore un peu à cet égard, je me servirais de quelques exemples afin de porter une lumière plus vive dans vos esprits ; avec l’aide de Dieu, et votre bonne volonté, j’y réussirai. La vie est en Dieu : elle est aussi en notre âme ; mais en Dieu, elle n’est sujette à aucune vicissitude ; en notre âme, elle est exposée à subir des changements : en Dieu, elle ne croît ni ne décroît : il est toujours en lui-même, il est incessamment ce qu’il est, toujours pareil à lui-même aujourd’hui, demain, hier ; pour la vie de l’âme, elle est singulièrement changeante et différente de ce qu’elle était précédemment : d’abord manquant de prudence, puis éclairée par la sagesse ; tantôt souillée de péchés, et tantôt ornée de justice : aujourd’hui, servie par une mémoire heureuse, demain, incapable de rassembler ses souvenirs : parfois s’instruisant, et parfois ne pouvant rien apprendre ; oubliant un jour ce qu’elle avait appris, et apprenant l’autre jour ce qu’elle avait oublié : telle est l’inconstance de la vie de notre âme. Pour elle, vivre dans l’état de péché, c’est être constituée dans un état de mort ; et devenir juste, c’est participer à une autre vie, différente d’elle-même ; car alors, en s’élevant vers Dieu, en s’attachant à lui, elle en reçoit la grâce de la justification. Il est dit, en effet : « Lorsqu’un homme croit en celui qui justifie le pécheur, sa foi lui est imputée à justice [1] ». En s’éloignant de Dieu, l’âme devient pécheresse, elle devient juste en s’en approchant. Ne te semble-t-il pas voir comme un objet froid qui s’échauffe à mesure qu’on l’approche du feu, ou un objet chaud qui se refroidit à mesure qu’on l’en éloigne ? Ce qui est plongé dans les ténèbres ne s’éclaire-t-il pas si on l’approche de la lumière ? ne devient-il pas noir une fois qu’il en est séparé ? Il en est de même de notre âme, mais il n’en est pas ainsi de Dieu. L’homme lui-même peut dire que la lumière se trouve maintenant dans ses yeux. Que les yeux disent donc, s’ils le peuvent, dans une sorte de langage qui leur serait propre : Nous avons, la lumière en nous-même s. Mais on est en droit de leur dire : Vous dites que vous avez la lumière en vous-mêmes : réellement, cela n’est pas vrai. Vous avez la lumière, mais elle vous vient du ciel : s’il fait nuit, vous avez la lumière, elle se trouve dans la lune, dans un flambeau, mais pas en vous ; enfermez-vous, et vous cesserez de recevoir les rayons qui vous éclairent lorsque vous vous ouvrez. Vous n’avez pas la lumière en vous ; car, le soleil une fois couché, retenez la lumière en vous, si c’est possible ; il est nuit,

  1. Rom. 4, 5