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votre charité. Nous sommes vos débiteurs, non pas seulement pour le moment actuel, mais toujours, mais pour tout le temps de notre existence ; car c’est pour vous que nous vivons. Néanmoins, cette existence si faible, si occupée, si périlleuse, que nous menons en ce monde, faites-en la consolation par vos bonnes mœurs ; ne nous contristez pas, ne nous écrasez point par une conduite déréglée. Si vous nous blessez par des habitudes mauvaises, si vous nous forcez à nous écarter de vous et à ne plus nous en approcher, ne vous plaindrez-vous pas et ne vous direz-vous pas : Lors même que nous serions malades, ne devriez-vous pas nous soigner ? Quand même nous serions infirmes, ne devriez-vous pas nous visiter ? Nous vous soignons et vous visitons ; mais puissent ne point s’appliquer à nous ces paroles de l’Apôtre : « Je crains d’avoir inutilement travaillé parmi vous [1] ».

DIX-NEUVIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES : « LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MÊME QUE CE QU’IL VOIT FAIRE AU PÈRE », JUSQU’À CES AUTRES : « PARCE QUE JE CHERCHE, NON POINT MA VOLONTÉ, MAIS LA VOLONTÉ DE CELUI QUI M’A ENVOYÉ ». (Chap. 5,19-30.)

LES DEUX RÉSURRECTIONS.

Quiconque n’honore pas le Fils, n’honore pas le Père, car il déclare par là ou que, par jalousie, le Père n’a pas voulu engendrer son égal, ou qu’il lui a été impossible de l’engendrer. Au contraire, le Fils étant le Verbe du Père, celui qui écoute le Verbe et croit au Père, passe de la mort spirituelle à la vie de la grâce par la foi. Cette vie, supérieure à celle du corps, le croyant la puise, non en lui-même, mais à sa seule et véritable source, qui est Dieu, tandis que pour avoir été engendré par le Père, le Fils a cette vie en soi, et la communique à ceux auxquels il veut la donner. Comme Fils de Dieu, il ressuscite donc les âmes ; comme Fils de l’homme, il ressuscitera aussi les corps, parce que son Père lui a donné le jugement. Il sera seul à juger les vivants et les morts, afin que les méchants ne puissent voir en lui la forme de Dieu, et aussi pour glorifier sa vie sainte.


1. Autant que Dieu a bien voulu échauffer mon cœur, et venir en aide à ma faible intelligence pour l’éclairer, je vous ai entretenus, dans le discours précédent, de ce passage que nous avons lu dans l’Évangile : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même que ce qu’il unit faire au Père » ; je vous ai dit ce que c’est, pour le Fils, que voir agir le Père : et mon entretien avait aussi pour objet la vision du Verbe ; car le Fils n’est autre que le Verbe : toutes choses ayant été faites par le Verbe, vous avez compris en quel sens on peut dire que le Fils regarde d’abord la manière dont le Père agit pour accomplir lui-même ce qu’il lui a vu faire ; car le Père n’a rien fait sans l’intermédiaire du Fils. « Toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n’a été fait ». Remarquez-le, néanmoins ; en vous parlant, je n’ai pas fait disparaître toute l’obscurité de ce mystère, et la raison en est toute simple : c’est que je n’ai pu le pénétrer. Parfois, les expressions font défaut, lors même que l’intelligence saisit nettement la vérité. Est-il étonnant qu’elles manquent, lorsque l’esprit ne peut arriver à la comprendre ? Maintenant, selon la mesure de la grâce divine, nous allons rapidement parcourir la leçon d’aujourd’hui, et tâcher de nous acquitter entièrement de notre dette envers vous. Cela fait, s’il nous reste assez de temps ou de forces, nous ferons un retour en arrière ; et, autant que le permettra ma capacité et la vôtre, je m’efforcerai d’expliquer à nouveau ce que c’est, pour le Verbe, que voir agir le Père ; ce que c’est, de la part du Père, que montrer ses agissements au Verbe. Nous avons dit plus haut tout ce qu’il était possible de dire : si on le comprend d’une manière purement

  1. Gal. 4, 11