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comprennent pas les Ariens. Ceux-ci, eu effet, disent le Fils inférieur au Père, et telle est la raison pour laquelle ces hérétiques ont été retranchés du sein de l’Église. Les aveugles eux-mêmes, les meurtriers du Christ ont donc compris tonte la portée de ces paroles. Ils ne voyaient pas qu’il fût le Christ, le Fils de Dieu mais, de ses paroles ils concluaient qu’il était question d’un Fils de Dieu, égal à Dieu. Qui était-il en réalité ? Ils n’en savaient rien : seulement, ils le reconnaissaient comme un homme, qui « appelait Dieu son Père, se faisant égal à Dieu ». N’était-il donc pas égal à Dieu ? Ce n’était pas lui qui se faisait égal à Dieu ; mais c’était Dieu qui l’avait engendré égal à lui-même. S’il se faisait lui-même égal à Dieu, il se rendrait usurpateur, et se précipiterait dans l’abîme. En effet, celui qui a prétendu se faire égal à Dieu, tandis qu’il ne l’était pas, tomba dans l’enfer [1] ; et d’ange qu’il était, il se transforma en démon ; et l’orgueil, qui l’avait fait déchoir de son rang, il s’efforça de l’inspirer à l’homme ; car cet ange dégradé, jaloux de voir nos premiers parents dans l’état de grâce, ne craignit pas de leur dire : « Goûtez de ce fruit, et vous serez comme des dieux [2] ; c’est-à-dire, devenez des usurpateurs : prenez ce que Dieu ne vous a pas donné en vous créant ; car je l’ai pris moi-même, et je suis tombé. Les termes dont il se servait, étaient plus voilés, mais c’était là le sens de ses conseils. Pour le Christ, il ne s’était pas fait l’égal de Dieu, car il était né tel : il était né de la substance du Père. Voici donc en quels termes l’Apôtre nous parle de Dieu : « Lui qui, ayant la nature de Dieu, n’a point cru que ce fût pour lui une usurpation de s’égaler à Dieu ». Qu’est-ce à dire : « Il n’a pas cru que ce fût une usurpation ? » Il n’a pas usurpé l’égalité avec Dieu il la possédait, puisqu’il était né avec elle. Et nous, comment pouvions-nous devenir semblables à cet égal de Dieu ? « Il s’est anéanti lui-même « en prenant ta forme d’esclave [3] ». Si donc il s’est anéanti, c’est, non pas en perdant ce qu’il était, mais en prenant ce qu’il n’était pas. Faisant peu de cas de cette forme d’esclave, les Juifs ne pouvaient comprendre que le Seigneur Christ fut égal à son Père ; et, pourtant, ils étaient intimement persuadés qu’il se disait tel : c’est pourquoi ils le persécutaient : et, néanmoins, il les supportait encore, et cherchait à les guérir, malgré leurs mauvaises dispositions à son égard.

DIX-HUITIÈME TRAITE.

SUR CE PASSAGE DE L’Évangile : « EN VÉRITÉ, EN VÉRITÉ, JE VOUS LE DIS : LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE PAR LUI-MÊME, QU’IL NE LE VOIE FAIRE AU PÈRE : QUELQUE CHOSE QUE CELUI-CI FASSE, LE FILS AUSSI LE FAIT COMME LUI », (Chap. 5, 19.)

LE VERBE ÉGAL AU PÈRE.

Les Juifs s’irritaient de ce que le Christ s’égalait à Dieu, car ils ne voyaient en lui qu’un homme, et n’y apercevaient point le Verbe. Alors Jésus ajouta : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même que ce qu’il voit faire à son Père ». Les Ariens concluent de ces paroles que le Fils est inférieur au Père ; mais ils sont forcés d’avouer que le Verbe est Dieu, qu’il est en Dieu, que tout a été fait par lui, et que, par conséquent, les œuvres du Père ne sont pas distinctes de celles du Fils. Mais comment le Fils voit-il ce que fait le Père ? Mystère inexplicable ! Servons-nous, toutefois, d’une comparaison tirée de la nature de notre âme. Il n’en est pas d’elle comme du corps : celui-ci peut exister sans voir ni entendre ; pour celle-là, voir et entendre par elle-même, c’est l’essence même de son être ; ainsi en est-il du Verbe.


1. De préférence aux autres Évangélistes, ses condisciples et collègues, Jean avait reçu du Sauveur un privilège extraordinaire et à lui personnel. Il s’était en effet reposé sur la poitrine de Jésus pendant la dernière cène [4],

  1. Isa. 14, 14,15
  2. Gen. 3, 5
  3. Phil. 2, 6,7
  4. Jn. 13, 25