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lasser celui qui avait pu, d’un seul mot, créer toutes choses ? Néanmoins, rien de plus vrai que ce passage : « Dieu se reposa de toutes ses œuvres le septième jour » ; rien de plus vrai encore que ces paroles de Jésus : « Mon Père agit toujours ». Mes frères, de quelles expressions me servir pour vous le démontrer ? Ne suis-je pas un homme, et n’êtes-vous pas des hommes ? Je suis faible, et ne m’adressé-je pas à des faibles ? Je suis ignorant, et vous désirez apprendre de moi des choses mystérieuses ! Si, par hasard, j’en saisis quelque peu le sens caché, il m’est impossible de le mettre à la portée des personnes semblables à moi, et de le leur faire comprendre : et quand même elles le saisiraient comme moi, quand même il ne serait pas absolument au-dessus de mes forces de leur en donner une explication précise, j’éprouverais toujours une difficulté extrême à le faire. Encore, une fois, mes frères, quelles expressions employer, pour vous faire comprendre comment Dieu agit, même en se reposant, et comment il se repose, même au moment où il agit ? Patience, je vous en conjure ; attendez, pour le comprendre, que vous soyez plus avancés : car la révélation d’un pareil mystère ne peut se faire que dans le temple d Dieu, dans un lieu saint : portez donc le prochain et marchez : et vous mériterez de le contempler face à face, sans avoir besoin de la parole humaine pour vous en faire une idée.
15. Voici peut-être l’explication la plus plausible qu’il nous soit permis de vous donner. En disant que « Dieu se reposa le septième jour », Moïse a voulu, dans un sens mystérieux bien digne de fixer notre attention, désigner d’avance notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, le même qui disait ces paroles « Mon Père agit toujours, et moi aussi ». En effet, le Seigneur Jésus est Dieu : nul doute cet égard ; car il est le Verbe, et, vous le savez, « au commencement était le Verbe » ce n’était pas un Verbe quelconque, mais « le Verbe était Dieu, et toutes choses ont été faites par lui [1] ». Moïse a peut-être voulu nous dire qu’il se reposerait de toutes ses œuvres le septième jour. Lisez l’Évangile, et vous verrez effectivement combien d’œuvres merveilleuses ont été accomplies par Jésus. Afin que fussent réalisés eu lui tous les oracles des Prophètes, il a opéré notre salut mur l’arbre de la croix : il a été couronné d’épines et attaché à un gibet ; il a dit : « J’ai soif », et, au moyen d’une éponge, on l’a abreuvé de vinaigre, et ainsi s’est vérifiée cette parole : « Ils ont étanché ma soif avec du vinaigre [2] ». Mais la veille du sabbat, quand il eut opéré toutes ses œuvres, il inclina la tête et rendit l’esprit ; puis ayant été, le jour du sabbat, déposé dans un sépulcre, il se reposa de toutes ses œuvres[3]. Il semblait donc dire aux Juifs : Pourquoi attendre de moi que je n’agisse point le jour du sabbat ? L’observation de ce jour-là vous a été prescrite pour me préfigurer. Vous contemplez les œuvres de Dieu. J’étais là quand elles se faisaient : c’est par moi que toutes choses ont été faites ; je le sais : « Mon Père agit toujours ». Mon Père a fait la lumière, mais il a dit : que la lumière fût [4] ; et, puisqu’il a parlé, il a agi par son Verbe : j’étais et je suis son Verbe. Dans l’œuvre de la création, le monde a été formé par moi : je le gouverne par mes œuvres actuelles. Mon Père a agi au moment où il créait l’univers ; il agit encore aujourd’hui en le gouvernant : c’est donc par moi qu’il l’a créé au commencement, et qu’il le gouverne actuellement. Voilà ce que le Sauveur disait aux Juifs ; mais à quels hommes parlait-il ? À des aveugles, à des sourds, à des boiteux, à des malades qui ne reconnaissaient pas leur médecin, et qui, dans les transports d’une sorte de frénésie, voulaient s’en débarrasser en le faisant mourir.
16. Aussi, que dit ensuite l’Évangéliste ? « C’est pourquoi les Juifs cherchaient plus activement à le faire mourir, non seulement parce qu’il avait violé le sabbat, mais aussi parce qu’il disait que Dieu était son propre père ». Il ne le disait pas dans le premier sens venu ; mais comment le disait-il ? « Se faisant égal à Dieu ». Nous, nous disons tous à Dieu : « Notre Père, qui êtes aux cieux [5] ». Nous lisons que les Juifs eux-mêmes lui disaient : « Vous êtes notre Père[6] ». Ils s’irritaient donc, non pas de ce qu’il appelait Dieu son père, mais de ce qu’il l’appelait de ce nom d’une manière toute différente de celle dont le faisaient les autres hommes. Voilà que les Juifs comprennent ce que ne

  1. Jn. 1, 1, 3
  2. Ps. 68, 22
  3. Jn. 19,1 et suiv.
  4. Gen. 1, 3
  5. Mt. 6, 9
  6. Isa. 63, 16 ; 64, 8