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et nous marchons vers Dieu ; mais celui vers qui nous dirigeons nos pas, nous ne le voyons pas encore : c’est pourquoi le paralytique ne connaissait pas non plus, à ce moment-là, le Seigneur Jésus. Voici la mystérieuse chose que le Christ a voulu nous apprendre : nous croyons en lui, bien que nous ne le contemplions pas encore, et, pour nous empêcher de l’apercevoir, il se perd dans la foule. Or, il est difficile de découvrir le Christ au milieu de la foule ; il faut donc établir notre âme dans une sorte de solitude, et quand par notre intention nous serons ainsi devenus solitaires, nous verrons Dieu. Dans la foule se lait entendre un bruit confus pour contempler le Seigneur, la tranquillité de la solitude est indispensable. « Prends ton lit » ; après avoir été porté par lui, porte ton prochain, « et marche », afin d’arriver jusqu’à Dieu. Ne cherche pas Jésus dans la foule, comme s’il était un de ceux qui la composent ; il n’est pas d’avec eux, car il les précède tous. Cet énorme poisson a été le premier à sortir de lamer pour monter au ciel, où il est assis et intercède en notre faveur ; comme autrefois le grand prêtre, il a pénétré seul derrière le voile, dans le Saint des saints, tandis que la foule reste au-dehors. Pour toi, marche, puisque tu portes ton prochain : auparavant, il te portait ; marche, si tu as appris à le porter à ton tour. Enfin, pour le moment, tu ne connais pas encore Jésus, tu ne le vois pas encore. Que lisons-nous ensuite ? Parce que le paralytique ne se lasse point de porter son lit et de marcher, « Jésus le trouva plus tard dans le temple ». Ce malade n’avait point vu Jésus dans la foule, il le vit dans le temple. Le Sauveur l’avait aperçu même du milieu de la multitude, et aussi dans le temple ; mais lui n’avait point vu le Christ dans la foule ; il ne le reconnut qu’au temple. Il parvint donc jusqu’au Seigneur ; il le vit dans le temple, dans un édifice consacré à son culte, dans le lieu saint. Et que lui dit alors Jésus ? « Voilà que tu es guéri ; ne pèche plus désormais, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pis ».
12. À peine le paralytique eut-il aperçu le Christ et reconnu l’auteur de sa guérison, qu’il s’empressa de le signaler à l’attention de tous. « Cet homme s’en alla, et annonça aux Juifs que c’était Jésus qui l’avait guéri ». Il le leur annonçait, et les Juifs perdaient le sens ; il leur faisait hautement connaître celui qui l’avait guéri, et les Juifs s’entêtaient à ne point reconnaître leur Sauveur.
13. « C’est pourquoi les Juifs poursuivaient Jésus, parce qu’il avait fait ces œuvres le jour du sabbat ». Quelle réponse Jésus adressa-t-il alors aux Juifs ? La voici, Écoutons-la. Je vous l’ai déjà dit : quand il s’agissait d’hommes guéris le jour du sabbat, le Christ avait pour habitude de dire à ses ennemis : À pareil jour, vous ne manquez jamais de porter secours à vos animaux domestiques, et de leur donner la nourriture nécessaire. Quant à l’enlèvement de son lit par le paralytique, quelle fut la réponse du Christ ? On ne pouvait le nier : une œuvre servile s’était faite au vu et au su des Juifs ; c’était, non pas la guérison corporelle d’un malade, mais l’action qu’on lui avait commandée : il est sûr que cette action n’était pas aussi urgente que la guérison. Que le Sauveur nous fasse donc clairement connaître la mystérieuse signification du sabbat ; qu’il nous dise que l’observation d’un jour par semaine avait été, pour un temps, imposée aux Juifs comme un symbole, et qu’il était venu pour nous montrer, dans sa personne, la réalité de ce symbole. « Mon Père agit toujours, et moi aussi ». Il occasionna au milieu d’eux un grand trouble par son avènement, il agita l’eau, mais, tout en la remuant, il demeurait caché ; néanmoins, l’agitation de l’eau devait guérir un grand malade, mais un malade unique, tandis que la mort du Sauveur devait guérir le monde entier.
14. Voyons donc ce que répondit la Vérité : « Mon Père agit toujours, et moi aussi ». Elle est donc fausse cette parole de l’Écriture : « Dieu se reposa de toutes ses œuvres le septième jour[1] ? » et le Seigneur Jésus lui-même s’inscrit donc en faux contre cette assertion de Moïse, quand il dit aux Juifs : « Si vous croyiez à Moïse, vous croiriez aussi en moi, car c’est de moi qu’il a écrit[2] ? » Voyez donc si, en nous affirmant que « Dieu s’est reposé de toutes ses œuvres le septième jour », Moïse n’a pas voulu nous faire connaître quelque chose de mystérieux. Dieu ne s’était point fatigué en donnant l’être à ses créatures, et, par conséquent, il ne ressentait pas, comme l’homme après son travail, le besoin de se reposer. Comment aurait pu se

  1. Gen. 2, 2
  2. Jn. 5, 46