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avec lui sa grâce ? Celui donc qui ne veut pas croire au Fils, « la colère de Dieu demeure sur lui ». Quelle colère de Dieu ? Celle dont parle l’Apôtre : « Nous étions par nature enfants de colère comme les autres [1] ». Tous nous sommes des enfants de colère, parce que en vertu de la malédiction prononcée contre le péché nous naissons mortels. Crois à Jésus-Christ, qui pour toi s’est fait mortel, afin de le posséder plus tard dans le séjour de l’immortalité ; car, ayant alors part à son immortalité, tu cesseras toi-même d’être mortel. Il vivait et tu étais mort. Il est mort, afin de te rendre la vie. Il a apporté la grâce de Dieu et fait disparaître sa colère ; comme Dieu il a vaincu la mort, afin que la mort ne demeurât pas victorieuse de l’homme.

QUINZIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CET ENDROIT DE L’Évangile : « JÉSUS DONC, AYANT SU QUE LES PHARISIENS AVAIENT APPRIS QU’IL FAISAIT UN PLUS GRAND NOMBRE DE DISCIPLES », JUSQU’À CET AUTRE : « ET NOUS SAVONS QU’IL EST VRAIMENT LE SAUVEUR DU MONDE ». (Chap. 4,1-42.)

LA SAMARITAINE.

Jésus, baptisant par lui-même ou part ses disciples plus que Jean, et sachant que les Pharisiens prendraient de là occasion de le persécuter, s’en alla en Galilée et passa par Samarie. À six heures, il se trouva près d’un puits, et la fatigue du voyage l’y fit asseoir. Ce voyage figurait son Incarnation ; sa fatigue, la faiblesse où il s’est réduit pour nous rendre forts ; l’heure indiquait le sixième âge du monde, et le puits marquait la profondeur de nos misères. Une femme, image de l’Église des Gentils, vint puiser de l’eau et le rencontra. Après lui avoir demandé un peu d’eau pour se rafraîchir, le Sauveur offrit à cette femme une eau qui étancherait sa soif pour toujours ; mais, avec des idées toutes charnelles, elle ne pensait qu’à un breuvage ordinaire, signe trop fidèle des voluptés mondaines, et non à cette boisson spirituelle qui est la vérité. Alors le Christ lui dit d’appeler son mari, c’est-à-dire d’employer toute son intelligence à l’écouter. Je n’en ai point. C’est vrai, car tu en as cinq, et celui que tu as n’est pas le tien ; en d’autres termes, tu as eu pour guides tes sens corporels, et rien, sinon l’erreur, n’est venu les remplacer. Appelle donc ton intelligence à ton aide. Et elle l’appela, et elle comprit qu’à la venue du Messie tonte séparation cesserait entre es Juifs et les Samaritains ou Gentils, et elle reconnut le Messie dans celui qui lui parlait, et elle crut en lui, et elle devint l’apôtre des Samaritains dont plusieurs crurent à ses paroles.


1. Ce n’est point chose nouvelle pour vous d’entendre dire que, pareil à l’aigle, Jean prend son vol dans les hauteurs, qu’il s’élance au-dessus des ténèbres de la terre, et fixe sur la lumière de la vérité des regards pleins d’assurance. Déjà, avec l’aide de Dieu, nous vous avons expliqué plusieurs passages de son Évangile ; en suivant l’ordre de nos lectures, nous avons été amenés au passage que nous venons d’entendre. Plusieurs d’entre vous y reconnaîtront ce qu’ils savaient déjà et n’apprendront rien de nouveau. Cependant, bien qu’il s’agisse de rafraîchir une connaissance, et non pas d’en acquérir une nouvelle, votre attention n’en doit pas être affaiblie. On vous a lu, et c’est ce que nous avons entre les mains pour en faire la matière de notre instruction, on vous a lu l’entretien de Jésus-Christ avec la Samaritaine auprès du puits de Jacob. En cet entretien se trouvent résumés de grands mystères ; le Sauveur y fait allusion à de grandes choses, bien propres à nourrir les âmes affamées et à ranimer celles qui languissent.
2. Notre-Seigneur « ayant donc su que les Pharisiens avaient appris qu’il faisait un plus grand nombre de disciples et baptisait plus de personnes que Jean (bien que Jésus ne baptisât point par lui-même, mais par ses disciples), il quitta la Judée et alla de nouveau en Gaulée ». Ici pas n’est besoin de longs développements. Car, en nous arrêtant à ce qui est clair, nous nous trouverions enfermés dans un espace de temps trop étroit, lorsqu’il s’agirait d’exprimer et d’expliquer les passages obscurs. Si le Seigneur avait prévu

  1. Eph. 2, 3