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ciel. C’est, en effet, ce que le Sauveur disait à ses disciples au moment où ils revenaient de leurs courses apostoliques, et en parlant ainsi il voulait éclairer la foi des peuples. Les apôtres étaient tout fiers de ce qu’ils avaient fait ; aussi, lui disaient-ils : « Seigneur, les démons eux-mêmes nous sont soumis à cause de votre nom ». Leurs paroles étaient un aveu digne d’éloges ; ils rapportaient l’honneur de leurs prodiges au nom du Christ. Néanmoins que leur répond Jésus ? « Gardez-vous de vous glorifier de ce que les démons vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans le ciel [1] ». Pierre a chassé les démons : une pauvre vieille femme, le premier venu d’entre les laïques qui a la charité et qui garde l’intégrité de la foi n’en fait pas autant. Pierre est l’œil dans le corps de l’Église, ce laïque en est le doigt ; toutefois il appartient à ce même corps dont Pierre fait partie, et bien que le doigt vaille moins que l’œil, il n’est pas pour cela séparé du corps. Mieux vaut être le doigt et demeurer dans le corps, qu’être l’œil et s’en voir séparé.
18. Ainsi, mes frères, que personne ne vous trompe, que personne ne vous abuse. Aimez la paix de Jésus-Christ : quoiqu’il fût Dieu, il a été crucifié pour vous. « Celui qui plante n’est rien », dit Paul, « non plus que celui qui arrose ; mais c’est Dieu qui donne l’accroissement ». Lequel d’entre nous oserait dire qu’il est quelque chose ? Si nous disons que nous sommes quelque chose, si nous ne rapportons pas à Dieu toute la gloire, nous sommes des adultères, nous voulons nous faire aimer au lieu de faire aimer l’époux. Pour vous, aimez le Christ et aimez-nous en lui, c’est en lui que nous vous aimons à notre tour. Que les membres s’aiment entre eux, mais que tous vivent unis sous la direction du chef. Ma douleur m’a forcé, mes frères, à vous parler longuement, et pourtant ce que j’ai dit est peu de chose. Je n’ai pu achever de vous expliquer ce qui a été lu ; mais Dieu me donnera la grâce de le faire en temps opportun. Je ne veux point surcharger vos cœurs : il faut qu’ils aient le loisir de gémir et de prier pour ceux qui sont sourds à ces vérités et qui ne les comprennent pas.

QUATORZIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CET ENDROIT DE L’Évangile : « CETTE MÊME JOIE EST DONC REMPLIE », JUSQU’A « CELUI QUI NE CROIT POINT AU FILS, NE VERRA POINT LA VIE ; MAIS LA COLÈRE DE DIEU DEMEURE SUR LUI ». (Chap. 3,29-36.)

LE CHRIST, SOURCE DE TOUTE VÉRITÉ.

Saint Jean affirme qu’il surabonde de joie, car il est uni au Sauveur par la foi et la charité ; et, continuant à professer l’humilité la plus profonde, il avoue que le Christ doit être de plus en plus connu et glorifié, parce qu’il est la source de toute lumière et de toute grâce, tandis que lui-même doit déchoir, chaque jour davantage dans l’opinion des hommes, parce qu’il n’est rien et ne sait rien que par l’entremise du Verbe. En effet, le Verbe divin est seul pour avoir vu et entendu le Père, pour avoir pu nous en parler. Les hommes, prédestinés à la damnation, ne reçoivent point son témoignage ; mais ses futurs élus savent qu’il est la vérité même, puisque Dieu le Père lui a révélé tous les mystères de son essence infinie, et qu’il l’a envoyé pour nous en instruire. Nul autre moyen de posséder la vie, que de croire à sa parole.


1. Cette leçon du saint Évangile nous apprend l’excellence de la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ et l’humilité de l’homme qui a mérité d’être appelé l’ami de l’Époux. Elle nous aide ainsi à distinguer la différence qui se trouve entre un homme et un homme-Dieu. Homme-Dieu, tel est, en effet, Jésus-Christ Notre-Seigneur. Dieu avant tous les temps et homme dans le nôtre ; Dieu engendré par son Père, homme né de la Vierge ; mais un seul et même Seigneur et Sauveur, Jésus-Christ Fils de Dieu, Dieu et homme. Pour

  1. Lc. 10, 17-20