Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/430

Cette page n’a pas encore été corrigée

voyons s’ils aiment l’époux au point de lui conserver leur virginité. Pour qui doit-on la garder ? « Pour le Christ », dit l’Apôtre. Voyons si c’est pour le Christ, et non pour Donat qu’ils la gardent. Voyons pour qui se garde leur virginité. Vous pouvez bien vite le savoir : Je leur montre l’époux, parce qu’il se montre lui-même. Jean lui rend témoignage : « C’est celui-là qui baptise ». O vierge, si c’est pour cet époux que tu gardes ta virginité, pourquoi courir à celui qui dit : C’est moi qui baptise, puisque l’ami de ton époux dit au contraire : « C’est lui qui baptise ? » De plus, ton époux règne par tout l’univers, pourquoi corrompre ta virginité en la gardant pour celui qui n’en possède qu’une partie ? Quel est ton époux ? « Dieu est le roi de la terre entière [1] ». Ton époux règne par toute la terre, parce qu’il l’a rachetée tout entière. Remarque à quel prix il l’a rachetée, et tu sauras ce qu’elle vaut. Quel prix en a-t-il donné ? Son sang. Quand a-t-il donné son sang ? Quand l’a-t-il répandu ? Pendant sa Passion. N’est-ce pas à ton époux que tu chantes ou que tu viens de chanter ces paroles, en souvenir du prix dont il a racheté l’univers tout entier : « Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os, ils m’ont regardé et considéré attentivement, ils ont partagé mes vêtements et ils ont tiré ma robe au sort ? » Tu es l’épouse, reconnais la robe de ton époux. Sur quelle robe le sort a-t-il été jeté ? Interroge l’Évangéliste. Vois à qui tu as été fiancée. Sache de qui tu as reçu des arrhes. Interroge l’Évangéliste, vois ce qu’il te dit dans le récit de la Passion du Seigneur. « Il y avait là une robe ». Voyons ce qu’elle était : « D’un seul tissu du haut en bas ». Cette robe d’un seul tissu du haut en bas, que signifie-t-elle, sinon la charité ? Que signifie-t-elle, sinon l’unité ? Fais attention que cette tunique n’a pas été partagée même par les bourreaux du Christ ; car l’Ecrivain sacré s’exprime ainsi : « Ils se dirent les uns aux autres : ne la coupons pas, mais tirons-la au sort[2] ». Les bourreaux du Christ n’ont donc pas déchiré la robe. Voilà bien ce que vous venez d’entendre dire au Psalmiste ; et des chrétiens déchirent l’Église !
14. Mais que dire, mes frères ? Essayons de voir de plus en plus clairement ce qu’il a acheté ; car il l’a acheté, là où il a versé le prix. Pour quelle étendue de terrain l’a-t-il versé ? S’il l’a versé seulement pour l’Afrique, soyons Donatistes : au lieu de nous appeler Donatistes, appelons-nous chrétiens, puisque Jésus-Christ n’a racheté que l’Afrique, et bien qu’il ne s’y trouve pas seulement que des Donatistes. Dans son négoce il n’a pas gardé le secret sur ce qu’il achetait : il l’a inscrit sur ses tablettes. Grâces à Dieu, il ne nous y a pas trompés. Il faut que l’épouse en écoute la lecture, pour apprendre à qui elle a voué sa virginité : le texte s’en trouve précisément dans le psaume où il est dit : « Ils ont percé mes pieds et mes mains, ils ont compté tous mes os ». Ces paroles désignent clairement la Passion de Notre-Seigneur. On donne lecture de ce psaume tous les ans pendant la dernière semaine, aux approches de la Passion du Christ, en présence de tout le peuple attentif. Cette lecture se fait chez eux aussi bien que chez nous. Remarquez bien, mes frères, les paroles du Prophète. Vous y verrez ce que Notre-Seigneur a acheté : on va lire les tablettes commerciales du Christ ; vous y verrez ce qu’il a acheté. Écoutez : « Les peuples les plus reculés se souviendront du Seigneur et se tourneront vers lui, toutes les nations se prosterneront en sa présence, parce qu’à lui appartient l’empire et qu’il régnera sur tous les peuples[3] ». Voilà ce qu’il a acheté, voilà l’accomplissement de ces paroles : « Dieu est le Roi de toute la terre ». Voilà ton époux. Pourquoi vouloir condamner à porter des haillons un époux si riche ? Fais-y donc attention, il a tout acheté, et tu lui dis : Voilà votre part ! Ah ! si, avant de lui parler, tu n’étais pas tombée dans la corruption et, qui pis est, dans la corruption non du corps, mais de l’âme ! À la place du Christ tu aimes un homme, tu aimes celui qui dit : C’est moi qui baptise, tu n’écoutes pas l’ami de l’époux lorsqu’il dit : « C’est lui qui baptise » ; et encore : « Celui qui a l’épouse est l’époux. Pourquoi dit-il : Je n’ai pas l’épouse, que suis-je donc ? « L’ami de l’époux qui se tient debout et qui est ravi de joie à cause de la voix de l’époux [4] ».
15. Évidemment, mes frères, il ne sert de rien aux Donatistes de conserver la virginité, de garder la continence, de donner l’aumône ; aucune de ces œuvres louangées à si juste

  1. Ps. 46, 8
  2. Jn. 19, 23
  3. Ps. 21, 17-29
  4. 1 Cor. 13, 1