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sortes de biens sont des vendeurs. Simon le Magicien voulait acheter le Saint-Esprit [1] pour avoir ensuite à le vendre ; il pensait que les Apôtres étaient des marchands semblables à ceux que le Seigneur chassa du temple avec un fouet. Car tel il était pour son propre compte, et il voulait acheter pour revendre. Cet homme était du nombre des vendeurs de colombes. En effet, le Saint-Esprit est apparu sous forme de colombe [2]. Quels sont ceux qui vendent des colombes, mes frères, sinon ceux qui disent : Nous donnons le Saint-Esprit ? Qui est-ce qui les fait parier ainsi, et quel est le prix de ce trafic ? C’est l’honneur qu’ils en retirent. Ils reçoivent pour prix de hautes places, et par là ils ont l’air de vendre des colombes. Qu’ils prennent garde au fouet de cordes. La colombe ne se vend pas, elle se donne gratuitement, parce qu’elle est appelée grâce. Aussi, mes frères, comme les marchands étaient aux yeux de tout venant leur marchandise, ainsi chacun des hérétiques vante ce qu’il vend. Que d’étalages ils ont établis ! À Carthage, Primien tient une boutique et Maximien en tient une autre ; Rogat en a ouvert une en Mauritanie ; d’autres et d’autres encore, dont la nomenclature serait trop longue, ont placé les leurs en Numidie. Un homme va d’étalage en étalage, pour se procurer une colombe, et chaque trafiquant, assis à son comptoir, fait à ce client l’éloge de sa marchandise. Que celui-ci détourne son cœur loin de ces vendeurs ; qu’il vienne à l’endroit où se donne gratuitement la colombe. Toutefois, mes frères, ces marchands ne rougissent pas du grand nombre de fractions entre lesquelles ils se sont partagés, à la suite d’amers et malicieux dissentiments, en s’attribuant les qualités qu’ils n’ont pas, en se vantant d’être quelque chose, tandis qu’ils ne sont rien [3]. Aussi, parce qu’ils ne veulent pas se corriger, se vérifie parfaitement en eux ce qui est marqué au psaume : « Ils ont été séparés, mais sans être amenés au repentir ».
7. Quels sont donc ceux qui vendent les bœufs ? Sous le nom de bœufs sont compris ceux qui nous dispensent ! es Écritures. Par eux sont désignés les Apôtres et les Prophètes. C’est ce qui a fait dire à l’Apôtre : « Tu ne lieras pas la bouche au bœuf qui foule le grain. Dieu se met-il en peine des bœufs ? Ou plutôt, ne parle-t-il pas pour nous ? Sans doute, il parle pour nous afin de nous montrer que celui qui laboure doit labourer avec espérance d’en profiter, et celui qui bat le grain, avec l’espérance d’y avoir sa part [4] ». Ces bœufs nous ont donc laissé le mémorial des Écritures. Ils ne nous les ont pas dispensées comme leur bien propre, parce qu’ils ont cherché la gloire de Dieu. En effet, que dit le Psalmiste ? « Qu’ils disent toujours : Glorifié soit le Seigneur, ceux qui aiment la paix de son serviteur [5] ». Voilà le serviteur de Dieu, voilà son peuple, voilà son Église. Ceux qui aiment la paix de l’Église, qu’ils glorifient le Seigneur, et non pas son serviteur ; « et qu’ils disent toujours : Glorifié soit le Seigneur ! Qui sont ceux qui parlent ainsi ? Ceux qui aiment la paix de son serviteur ». Évidemment, c’est la voix du peuple lui-même ; c’est la voix même du serviteur, que vous avez entendue dans les chants si tristes du Psalmiste ; vous avez entendu avec, émotion la voix de ce peuple, parce que vous en faites partie. Aussi ces chants d’un seul homme partaient du cœur de tous. Heureux ceux qui se reconnaissaient dans cette voix, comme dans un miroir ! Quels sont ceux qui aiment la paix de son serviteur, la paix de son peuple, la paix de celle qu’il appelle son unique et qu’il désire voir arrachée de la gueule du lion, lorsqu’il dit : « Arrachez mon unique de la gueule du chien [6] ? » Ce sont ceux qui disent toujours : « Glorifié soit le Seigneur ! » Ces bœufs ne se sont donc pas glorifiés eux-mêmes, c’est le Seigneur qu’ils ont glorifié. Voyez un bœuf qui glorifie son Seigneur, parce que ce bœuf a connu son maître [7]. Considérez un bœuf qui craint que le maître soit abandonné et qu’on mette en lui sa confiance, comme il redoute ceux qui seraient tentés de placer en lui leur espérance ! « Paul a-t-il été crucifié pour vous Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés [8] ? » Ce que j’ai donné, ce n’est pas moi qui l’ai donné, vous l’avez reçu gratuitement ; la colombe est descendue du ciel pour vous l’apporter. « J’ai planté, Apollo a arrosé, mais Dieu a donné l’accroissement. Ni celui qui plante n’est quelque chose, ni celui qui arrose, mais celui qui donne l’accroissement, Dieu [9] ». «

  1. Act. 8, 18-19
  2. Mt. 3, 16
  3. Gal. 6, 3
  4. 1 Cor. 9, 9-10
  5. Ps. 34, 16, 27
  6. Id. 21, 21-22
  7. Isa. 1, 3
  8. 1 Cor. 1, 13
  9. 1 Cor. 3, 6-7