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 qu’une seule chair : ce mystère est grand[1] ». Et afin que personne n’imagine que cette grandeur du mystère se trouve en chacun de ceux qui ont une femme, il ajoute : « Mais je dis en Jésus-Christ et en l’Église ». Où se trouve donc le grand mystère : « Et ils ne feront tous deux qu’une seule chair ? » Le voici : parlant d’Adam et d’Eve, la Genèse en vient à ces paroles : « C’est pourquoi l’homme abandonnera son père et sa mère, et il s’attachera à sa femme, et ils seront tous deux dans une chair une[2] ». Toutefois si Jésus-Christ s’est attaché à son Église de manière à ce qu’ils fussent deux en une seule chair, comment a-t-il quitté son Père ? Comment a-t-il quitté sa mère ? Il a quitté son Père, parce qu’étant en la forme de Dieu et pouvant sans larcin se dire son égal, il s’est anéanti lui-même en prenant la forme d’esclave[3]. Voilà le sens de ces paroles : Il a quitté son Père, non qu’il l’ait abandonné ou se soit éloigné de lui, mais parce que ce n’est pas dans la forme selon laquelle il est égal au Père, qu’il est apparu aux hommes. Comment a-t-il quitté sa mère ? En quittant la synagogue des Juifs, de laquelle il est né selon la chair, et en s’attachant à l’Église, qu’il a composée en réunissant toutes les nations. Ainsi la première urne contenait l’annonce du Christ ; mais tout, le temps que ces vérités ne lurent pas prêchées aux peuples, cette prophétie n’était encore que de l’eau, elle n’était pas encore changée en vin. Maintenant donc que le Seigneur nous a éclairés par l’Apôtre pour nous faire connaître le sens caché de cette simple parole : Ils ne feront tous deux qu’une seule chair, ce mystère est grand en Jésus-Christ et dans l’Église », nous sommes en droit de chercher le Christ partout et de puiser le vin à toutes les urnes. Adam s’endort pour qu’Eve soit formée pendant son sommeil ; le Christ meurt pour donner naissance à l’Église. De la côte d’Adam endormi Eve est formée[4] ; après sa mort Jésus-Christ est percé d’une lance au côté[5], et de ce côté coulent les sacrements qui doivent former l’Église. Qui ne voit dans les événements d’alors la figure de ce qui devait arriver plus tard, surtout quand l’Apôtre nous enseigne que le premier Adam était le type du futur Adam ? « Il était la figure de celui qui devait venir[6] ». Tous les événements étaient mystérieusement figurés en lui. Était-ce afin de l’empêcher rie souffrir que Dieu attendit le moment de son sommeil pour lui retirer une côte et en former la femme ? Où est l’homme capable de dormir assez profondément pour qu’on puisse, sans l’éveiller, lui ôter des os ? Ou bien Adam a-t-il été insensible à l’enlèvement d’une de ses côtes, parce que c’était Dieu lui-même qui la lui ôtait ? Dieu, qui pouvait enlever cette côte à Adam pendant son sommeil, pouvait donc aussi la lui enlever sans lui causer aucune douleur, pendant qu’il était éveillé. Mois sans aucun doute cette première urne était remplie d’eau, elle contenait pour ce premier âge l’annonce des événements réservés à l’avenir.
11. Le Christ a été aussi figuré dans Noé et ‘dans cette arche qui renfermait tous les êtres vivants de l’univers. En effet, pourquoi tous les animaux ont-ils été renfermés dans cette arche [7], sinon pour figurer toutes les nations ? Dieu ne manquait pas de puissance pour les créer de nouveau ; car, quand aucune créature n’existait, n’a-t-il pas dit : « Que la terre produise, et la terre a produit[8] ? » Il les avait créées une première fois, il pouvait les créer encore. Une première fois sa parole les avait fait sortir du néant, elle était à même de réitérer son œuvre. Mais il voulait nous signaler un mystère, il remplissait la seconde urne par une prophétie, il nous montrait en figure la vie de l’univers conservée par le bois, parce qu’au bois devait être vraiment attachée la vie du monde entier.
12. Nous voici à la troisième urne, c’est-à-dire à Abraham, je vous en ai déjà fait la remarque, il a été dit à ce patriarche : « Toutes les nations seront bénies en Celui qui sortira de ta race ». Il est facile de reconnaître celui que figurait le fils unique du père des croyants : au moment où son père le conduisait vers la montagne sur le sommet de laquelle on devait le faire mourir, ne portait-il pas lui-même le bois nécessaire au sacrifice ? De fait le Seigneur porta sa croix, comme le dit l’Évangile[9]. À l’endroit de la troisième urne cette remarque suffit.
13. Quant à David, est-il besoin de dire que ses prophéties concernaient toutes les nations ? Parmi les psaumes il n’en est pas un seul qui n’y ait trait, aussi bien que celui dont nous venons d’entendre la lecture : tous l’avoueront

  1. Eph. 3, 31-32
  2. Gen. 2, 21
  3. Phil. 2, 7
  4. Gen. 2,21
  5. Jn. 19, 34
  6. Rom. 5, 14
  7. Gen. 7, 7-9
  8. Id. 1, 24
  9. Jn. 19, 17