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qu’il nous ouvre et nous enivre d’un vin invisible ; car nous aussi, nous étions de l’eau, et il nous a changés en vin ; nous étions des insensés, et il nota a rendus sages de la sagesse que donne le goût de la foi qui vient de lui. Et sans doute, il est de cette sagesse de chercher, à l’honneur de Dieu, à la louange de sa majesté, en reconnaissance de sa miséricorde toute-puissante, à avoir l’intelligence des circonstances de ce miracle.
4. Invité aux noces, le Seigneur s’y rendit. Quelle merveille que des noces l’aient fait venir en cette maison, lui que des noces ont fait venir en ce monde ? Car si ce ne sont pas des noces qui l’ont fait venir, ici donc il n’a pas d’Epouse. Mais alors qu’a voulu dire l’Apôtre : « Je vous ai fiancés à un unique Époux, Jésus-Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge pure ? » Pourquoi craindre que la pureté de cette Epouse du Christ ne soit flétrie par l’artifice du diable ? « Je crains », dit-il, « que comme Eve a été séduite par l’artifice du serpent, vos esprits ne se corrompent et ne dégénèrent de la simplicité et de la pureté qui est en Jésus-Christ [1] ». Ici donc il a une épouse rachetée par lui avec son sang, et à laquelle il a donné comme arrhes le Saint-Esprit[2]. Il l’a délivrée de l’esclavage du diable, il est mort pour ses péchés, il est ressuscité pour sa justification [3]. Quel époux offrira de tels présents à son épouse ? Que les autres hommes offrent des ornements mondains, de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, des chevaux, des esclaves, des champs et des terres ; y en aura-t-il un seul parmi eux pour offrir son sang ? car s’il s’en trouvait un pour donner son sang à son épouse, il ne pourrait plus se marier avec elle. Mais le Seigneur n’a pas eu cette crainte à l’heure de sa mort. L’Epouse pour laquelle il a donné son sang et qu’il s’était déjà unie dans le sein d’une Vierge, il est assuré de l’avoir après sa résurrection. L’Époux, c’est le Verbe ; l’épouse, c’est la nature humaine ; et la réunion des deux forme Jésus-Christ, Fils de Dieu, et en même temps Fils de l’homme. Le lit nuptial où il est devenu chef de l’Église, c’est le sein de la Vierge Marie ; c’est de là qu’il est sorti comme l’époux de son lit nuptial, suivant cette prophétie contenue dans les Écritures : « Semblable à un époux, sortant de son lit nuptial, il s’est élancé comme un géant pour courir sa voie [4] ». Jésus-Christ est donc sorti de son lit nuptial comme un époux, et il est venu aux noces, auxquelles il avait été invité.
5. Certainement ce n’est pas sans mystère qu’il semble méconnaître sa Mère, du sein de laquelle il est sorti comme de son lit nuptial, et qu’il lui dit : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? mon heure n’est pas encore venue ». Et quoi ! est-il venu aux noces pour y apprendre aux enfants à mépriser leur mère ? Certes, celui dont les noces l’avaient fait venir ne prenait une épouse que pour mettre des enfants au monde, et ces enfants qu’il souhaitait en voir naître, il désirait aussi les voir honorer leur mère. Jésus-Christ serait-il venu aux noces pour mépriser sa mère, quand les noces se célèbrent et qu’un homme prend femme pour avoir des enfants, et quand Dieu fait à ces enfants un commandement exprès de respecter leurs pères et mères ? Mes frères, il y a sous cette conduite du Sauveur un mystère. Oui, il y a là un grand mystère, car certains hommes dont l’Apôtre nous a avertis de nous garder, ainsi que nous l’avons rapporté plus haut, lorsqu’il nous dit : « Je crains que comme Eve a été séduite par l’artifice du serpent, vos esprits ne se corrompent et ne dégénèrent de la simplicité et de la pureté qui est en Jésus-Christ », certains hommes qui abusent de l’Évangile et prétendent que Jésus n’est pas né de la Vierge Marie, se sont efforcés d’y trouver des arguments pour la défense de leur erreur. Voici leurs paroles : Comment serait-elle sa mère, puisqu’il lui a dit : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? » C’est à ceux-là qu’il faut répondre, et c’est à eux qu’il faut expliquer pourquoi le Seigneur a parlé ainsi, de peur qu’ils n’aient pas l’air d’avoir, dans leur fureur contre la vraie foi, trouvé le moyen de corrompre la pureté de l’Epouse, c’est-à-dire d’ébrécher la foi de l’Église. Assurément mes frères, elle est corrompue la foi de ceux qui préfèrent le mensonge à la vérité. Car ceux qui, sous prétexte d’honorer le Christ, nient qu’il ait pris une chair, ne font rien moins que le signaler comme un menteur. Et ceux qui élèvent parmi les hommes un édifice de mensonge, que bannissent-ils de leur cœur, sinon la vérité ? Ils introduisent le démon,

  1. 2 Cor. 11, 2, 3
  2. Id. 1, 22
  3. Rom. 4, 25
  4. Ps. 18, 6