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vanité. Cette comparaison nous inspirera de l’horreur pour ces frivolités ; cette horreur excitera notre douleur à l’égard de ce qu’ont fait nos frères, nous fera prier ; notre prière sera exaucée, et dès lors que nous serons exaucés, nous les gagnerons à Dieu.

HUITIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CET ENDROIT : « TROIS JOURS APRÈS, DES NOCES SE FIRENT À CANA EN GALILÉE », JUSQU’À : « FEMME, QU’EST-CE QUE CELA FAIT À VOUS ET À MOI ? MON HEURE N’EST PAS ENCORE VENUE ». (Chap. 2,1-4.)



LES NOCES DE CANA.

Toutes les œuvres visibles ou invisibles qu’opère le Verbe sont admirables. Néanmoins l’habitude de les contempler affaiblit notre admiration nous ne l’accordons qu’à celles dont le spectacle s’offre moins souvent à nos yeux. Aussi, le Fils de Dieu fait homme a-t-il accompli des prodiges pour frapper nos sens et nous amener à la foi ; il en est de celui-ci comme des astres. Jésus est venu aux noces de Cana, comme par son Incarnation il était venu célébrer les noces de sa divinité avec son humanité, de son Église avec lui-même. De ces paroles à Marie : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? » Certains hérétiques concluent que le Christ n’avait pas un véritable corps : le contexte les condamne ; d’ailleurs on demandait un prodige que le Sauveur ne pouvait opérer qu’en tant que Dieu : comme tel, il ne reconnaissait pas Marie pour mère, puisqu’il n’en avait pas ; il ne devait la reconnaître pour telle que sur la croix. D’autres infèrent de ces autres paroles « Mon heure n’est pas encore venue », que Jésus n’était pas libre ; cette interprétation est fautive, car il a dit : « J’ai le pouvoir de quitter ma vie et de la reprendre ». Son œuvre n’étant pas accomplie au moment des noces de Cana, l’heure n’était pas encore venue de reconnaître Marie pour sa mère. Voilà le vrai sens de ces paroles.


1. Assurément le miracle par lequel Notre-Seigneur Jésus-Christ a changé l’eau en vin, l’a rien d’étonnant pour ceux qui savent que l’est un Dieu qui l’a fait. Aussi bien Celui qui en ce jour de noces a changé l’eau en vin dans ces six urnes qu’il avait ordonné de remplir [1], est le même qui chaque année opère dans les vignes un prodige pareil. En effet, comme l’eau versée dans les urnes par les serviteurs a été convertie en vin par l’œuvre du Seigneur, ainsi par l’œuvre du même Seigneur l’eau que versent les nuées est convertie en vin. Ce dernier prodige ne nous étonne point, parce qu’il se renouvelle tous les ans ; oui, parce qu’il s’opère continuellement, il n’a plus rien de merveilleux pour nous : cependant, il exigerait bien plus d’attention de notre part que celui qui a été opéré dans les urnes remplies d’eau. Où est, en effet, l’homme capable de considérer ce que Dieu fait dans le gouvernement et l’administration des choses de ce monde, sans tomber dans la stupeur et se voir comme écrasé sous le poids des merveilles qu’il opère ? Si l’on se rend compte de la vertu d’un seul grain, de n’importe quelle semence, l’œuvre divine apparaît avec des proportions si étonnantes, qu’on éprouve involontairement une impression d’effroi. Mais les hommes attentifs à d’autres objets ont perdu de vue les œuvres de Dieu qui devaient les porter à offrir chaque jour, au Créateur, leurs louanges. Aussi Dieu s’est-il, en quelque sorte, réservé d’opérer certaines œuvres inaccoutumées, voulant, par ces merveilles, tirer les hommes de leur assoupissement et les rendre plus vigilants pour son culte. Qu’un mort reparaisse, tout le monde s’en étonne ; des milliers d’hommes naissent tous les jours, et personne ne s’en occupe. À considérer les choses avec attention, c’est une plus grande merveille de donner la vie à qui ne l’avait pas, que de la rendre à qui l’avait précédemment ; néanmoins, le même Dieu, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, fait tout cela et gouverne ses créatures par son Verbe. Il a fait les premières de ces merveilles par son Verbe, Dieu en lui ; les secondes, il les a faites par son Verbe incarné et devenu homme

  1. Jn. 2, 6-11