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nous pas encore ? Qu’y a-t-il donc de plus considérable que nous ayons vu les anges monter et descendre sur le Fils de l’homme ?
23. Je vous ai déjà parlé de ces anges qui montaient et descendaient sur le Fils de l’homme ; mais de peur que vous rie l’ayez oublié, je vous le rappelle brièvement. Je le ferais plus longuement s’il était question de vous l’apprendre ; pour le moment je me contente de vous le rappeler à la mémoire. Jacob vit en songe une échelle, et sur cette échelle des anges qui montaient et descendaient ; en outre il oignit la pierre qu’il avait mise sous sa tête [1]. On vous a expliqué que le Messie est le Christ, et que Christ ou oint est la même chose. Jacob n’avait pas mis là cette pierre qu’il oignit ensuite, dans l’intention de venir l’adorer ; car c’eût été de sa part un acte d’idolâtrie, et sa pierre n’aurait pas été une figure du Christ. Elle a donc été une figure, autant du moins que cela a été nécessaire, et cette figure a été celle du Christ. La pierre a été ointe, mais non pour devenir une idole. La pierre a été ointe, pourquoi une pierre ? « Voici que je place en Sion une pierre choisie et précieuse, et celui qui croira en elle ne sera pas confondu[2] ». Pourquoi : a été ointe ? Parce que Christ vient de chrisma. Mais qu’est-ce que Jacob vit sur l’échelle ? Des anges qui montaient et descendaient. Ainsi est l’Église, unes frères. Les anges de Dieu, ce sont les bons prédicateurs, ceux qui annoncent le Christ, c’est-à-dire qui montent et descendent sur le Fils de l’homme. Comment montent-ils et comment descendent-ils ? L’un d’eux nous sert d’exemple. Écoute l’apôtre Paul ; ce que nous rencontrerons en lui, croyons-le des autres prédicateurs de la vérité. Vois monter Paul, « Je connais un homme en Jésus-Christ qui fut ravi, il y a quatorze ans, jusqu’au troisième ciel ; si ce fut en son corps ou avec son corps, je ne le sais pas, Dieu seul le sait. Et il y entendit des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme de rapporter[3] ». Tu l’as vu monter, vois-le maintenant descendre. « Je n’ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels : comme à des enfants en Jésus-Christ je vous ai donné le lait, et non une nourriture solide [4] ». Ainsi descend celui qui était monté ; jusqu’où était-il monté ? « Jusqu’au troisième ciel ». Jusqu’où était-il descendu ? « Jusqu’à donner du lait aux enfants ». Écoute : voici comment il est descendu : « Je me suis fait », dit-il, « petit au milieu de vous, comme une nourrice qui nourrit ses enfants[5] ». Nous voyons les nourrices et les mères descendre jusqu’à leurs enfants ; bien qu’elles sachent parler correctement le latin, elles écourtent néanmoins leurs paroles ; elles brisent en quelque sorte leur langage et, d’une langue accoutumée à bien dire, elles tirent des mots capables d’amuser de petits enfants. Car si elles parlaient suivant leur habitude, leurs enfants ne les entendraient pas et n’en profiteraient pas non plus. Ainsi en est-il d’un père éloquent, habitué à ébranler le forum et à faire retentir les tribunaux de sa parole, s’il a un petit enfant ; de retour en sa maison, il descend des hauteurs de cette éloquence dont il avait atteint le sommet au forum, et s’abaisse jusqu’à son enfant par la familiarité de sa conversation enfantine. Vois encore dans un même endroit l’Apôtre montant et descendant, et nous le découvrons dans une seule phrase : « Soit que nous sortions de nous-mêmes, c’est pour Dieu ; soit que nous soyons plus calmes, c’est pour vous [6] ». Qu’est-ce à dire : « Soit que nous sortions de nous-mêmes, c’est pour Dieu ? » sinon : « afin de voir des choses qu’il n’est pas permis à l’homme de rapporter ? » Qu’est-ce à dire : « Quand nous sommes calmes, c’est pour vous ? » sinon : « Je n’ai fait profession de rien savoir parmi vous, que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié[7] ? » Enfin, si le Seigneur lui-même est monté et descendu, il est manifeste que ses prédicateurs montent quand ils l’imitent, et descendent quand ils l’annoncent.
24. Si je vous ai retenus un peu plus longtemps que de coutume, ç’a été à dessein et pour laisser passer ces heures de réjouissances importunes. Je pense que les absents en ont fini avec leurs vanités, Pour nous, mes frères, nourris de mets salutaires, employons le temps qui nous reste de telle manière qu’après avoir passé la solennité du jour du Seigneur dans les joies spirituelles nous puissions comparer les joies de la vérité avec celles de la

  1. Gen. 28, 12-18
  2. Isa. 28, 16; 1 Pi. 2, 6
  3. 2 Cor. 12, 2-4
  4. 1 Cor. 3, 1-2
  5. 1 Thes. 2,7
  6. 2 Cor. 5, 13
  7. 1 Cor. 2,2