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été appelés de ce nom : « Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups [1] ». Il a été dit qu’ils étaient la lumière : « Vous êtes la lumière du monde[2] »Jésus-Christ était aussi la lumière, mais d’une manière bien différente, puisqu’il a été dit de lui : « Il était la lumière véritable qui éclaire tout homme venant en ce monde[3] ». Pareillement il est l’Agneau, mais cet Agneau est unique ; il est le seul qui n’ait pas de tache, le seul qui n’ait pas de péché : en lui nulle souillure n’a été effacée, parce qu’il n’en portait aucune. Eh quoi ! parce que Jean disait du Sauveur : « Voici l’Agneau de Dieu », n’était-il pas lui-même un agneau ? N’était-il pas sain ? N’était-il pas l’ami de l’Époux ? À Jésus-Christ seul pouvaient s’appliquer réellement ces paroles : « Voici l’Agneau de Dieu », parce que les hommes n’ont pu être rachetés que par le sang de cet Agneau unique.
6. Mes frères, si nous reconnaissons que le prix de notre rançon c’est le sang de l’Agneau, de quel nom appeler ceux qui célèbrent aujourd’hui la fête du sang de je ne sais quelle femme ? Qu’ils sont inconséquents ! Un pendant, à ce qu’ils disent, a été arraché de l’oreille de cette femme, le sang a coulé ; l’or a été mis sur un plateau ou une balance, le sang dont il était imprégné a donné à l’or plus de poids. Si le sang d’une femme a été capable de faire incliner le plateau de la balance où se trouvait l’or, quel poids a dû ajouter au monde le sang de l’Agneau qui a créé le monde ? Je ne sais quel esprit apaisé par ce sang ajoutait ainsi au poids de l’or. Car les esprits impurs connaissaient l’avènement futur de Jésus-Christ ; ils l’avaient appris des anges et des Prophètes, ils ne doutaient pas qu’il ne dût venir. S’ils en avaient douté, se seraient-ils écrié : « Qu’y a-t-il entre vous et nous ? Êtes-vous venu nous perdre avant le temps ? Nous savons qui vous êtes, le Saint de Dieu[4] ». Ils savaient qu’il devait venir ; mais ils ignoraient le temps de sa venue. Mais qu’avez-vous entendu dire au Psalmiste touchant Jérusalem ? « Parce que ses pierres ont plu à vos serviteurs, et que sa poussière les a émus, vous vous lèverez, Seigneur, et vous aurez pitié de Sion, puisque le temps est venu d’en avoir pitié[5] ». Quand fut venu le temps où Dieu devait en prendre pitié, l’avènement de l’Agneau eut lieu. Quel était cet Agneau que redoutent les loups ? Quel était cet Agneau qui en mourant a tué le lion ? Il a été dit du démon qu’il est un lion tournant et rugissant, cherchant une proie [6]. Ce lion a été vaincu par le sang de l’agneau. Voilà à quels spectacles assistent les chrétiens. Spectacles d’autant plus excellents que dans les autres les yeux de la chair ne voient que vanité, et qu’ici la vérité s’étale aux regards de notre cœur. Ne pensez pas, mes frères, que Dieu nous ait privés de spectacles ; car s’il n’y en a pas pour nous, pourquoi êtes-vous ici aujourd’hui ? Ce que nous vous avons dit, vous en avez la preuve, vous avez acclamé nos paroles. L’auriez-vous fait si vous n’aviez rien vu ? Non, évidemment. C’est un grand spectacle donné par tout l’univers que celui du lion vaincu par le sang de l’Agneau, que celui des membres du Christ arrachés de la mâchoire du lion et réunis au corps du Christ. Aussi, par je ne sais quelle imitation de la vérité, un esprit mauvais a voulu que son image fût achetée par le sang ; car il savait qu’un jour un sang précieux rachèterait le genre humain. C’est ainsi que les esprits malins se procurent comme une ombre d’honneur afin de tromper ceux qui suivent le Christ. C’est au point que ceux-là même qui séduisent les autres par des sortilèges, des enchantements et toutes les machinations de l’ennemi, y mêlent le nom du Christ ; car, ne pouvant plus séduire les chrétiens jusqu’à leur présenter le poison tout pur, ils y ajoutent un peu de miel. Ainsi l’amertume du breuvage disparaît à la faveur de ce qu’ils y mêlent de doux, et les chrétiens le boivent pour leur perte. J’ai connu autrefois un prêtre de Castor qui avait coutume de dire : Castor aussi est chrétien. Pourquoi cela, mes frères ? C’est que les chrétiens ne peuvent être séduits par d’autres moyens.
7. Ne cherchez donc le Christ que là où il a voulu vous être annoncé ; et comme il a voulu être prêché, gardez-le et inscrivez-le dans votre cœur. Il est le mur qui doit vous préserver contre tous les assauts et toutes les embûches de l’ennemi. Ne craignez rien ; car cet ennemi ne peut pas même vous tenter qu’il n’en ait reçu la permission ; il est constant aussi qu’il ne peut rien faire qu’il n’en ait reçu l’ordre ou la permission. Il agit par

  1. Mt. 1, 16
  2. Id. 5, 14
  3. Jn. 1, 9
  4. Mc. 1, 24
  5. Ps. 51, 14-15
  6. 1 Pi. 5, 8