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par tout l’univers ? Le même Esprit qui s’est manifesté par la colombe, s’est aussi manifesté par les langues. Si l’Esprit qui s’est montré dans la colombe est celui-là même qui s’est montré dans les langues, le Saint-Esprit a été donné à l’univers. Tu t’en es séparé pour crier avec le corbeau, au lieu de gémir avec la colombe. Viens donc.
16. Mais peut-être es-tu dans l’inquiétude et dis-tu : Baptisé en dehors de la colombe, je crains que le baptême que j’ai ainsi reçu me rende coupable. Tu as déjà commencé à apprendre de quoi il faut gémir. Tu dis vrai : en effet, tu es coupable, non pas d’avoir reçu le baptême, mais de l’avoir reçu en dehors de la colombe ; garde donc ce que tu as reçu, et répare la faute de l’avoir reçu en dehors. Tu as reçu le bien de la colombe en dehors de la colombe ; voilà deux choses : tu as reçu, et tu as reçu en dehors de la colombe. Que tu aies reçu, je n’y vois que du bien ; que tu aies reçu en dehors de la colombe, je te blâme. Garde donc ce que tu as reçu, on n’y changera rien, on le reconnaîtra : c’est la marque de mon roi ; je ne la profanerai pas, je changerai le déserteur, sans changer la marque.
17. Ne te glorifie pas de ton baptême, parce que je dis que c’est un vrai baptême. Oui, je le dis, c’est mm vrai baptême. L’Église catholique le dit comme moi : C’est un vrai baptême. La colombe le considère, elle le reconnaît ; elle gémit parce que tu l’as en dehors d’elle ; elle y voit quelque chose à avouer, quelque chose à corriger. C’est bien le baptême, Viens. Tu te glorifies de ce qu’il est un vrai baptême, et tu refuses devenir ? Qu’en est-il des méchants qui n’appartiennent pas à la colombe ? La colombe te dit : Les méchants parmi lesquels je gémis, et qui ne sont pas du nombre de mes membres, et parmi lesquels il est nécessaire que je gémisse, n’ont-ils pas ce que tu te glorifies d’avoir ? Plusieurs ivrognes n’ont-ils pas le baptême ? Le baptême n’a-t-il pas été reçu par nombre de gens avares, par beaucoup de gens idolâtres et, ce qui est pire, qui le sont eu secret ? Les païens ne vont-ils pas ou n’allaient-ils pas publiquement adorer les idoles ? Maintenant les chrétiens vont secrètement à là recherche des sorciers, ils consultent secrètement les devins. Et pourtant, tous ces gens-là ont reçu le baptême, mais la colombe gémit de se trouver au milieu de ces corbeaux. Pourquoi donc te réjouir de ce que tu as ? Ce que tu as, le méchant l’a aussi. Aie l’humilité, la charité, la paix ; reçois le bien qui te manque, afin que celui que tu possèdes te serve à quelque chose.
18. Car ce que tu as, Simon le magicien l’a eu aussi. Témoin le livre des Actes des Apôtres, ce livre canonique qui doit se lire chaque année dans l’Église. Dans les solennités qu’elle célèbre annuellement, après avoir fait mémoire de la passion du Seigneur, vous savez qu’elle fait la lecture de ce livre : on y trouve le récit de la conversion de l’Apôtre, qui de persécuteur est devenu prédicateur [1] ; et aussi l’histoire de la descente du Saint-Esprit au jour de la Pentecôte sous forme de feu partagé en diverses langues[2]. Là nous lisons que plusieurs habitants de Samarie reçurent la foi par la prédication de Philippe : ce Philippe était l’apôtre ou le diacre ; car nous lisons encore qu’on ordonna sept diacres, au nombre desquels se trouvait un nommé Philippe[3]. Les Samaritains crurent donc à cette prédication de Philippe, et Samarie commença à se remplir de fidèles. Alors s’y trouvait ce Simon le magicien qui, par ses artifices magiques, avait trompé le peuple au point de se faire passer pour la vertu de Dieu. Cependant cet homme, frappé des prodiges opérés par Philippe, crut aussi à son tour ; mais la suite lit bien voir de quelle nature était sa foi. Néanmoins il fut aussi baptisé comme les autres. Les Apôtres qui étaient à Jérusalem apprirent ce qui se passait à Samarie, ils y envoyèrent Pierre et Jean. Ceux-ci y trouvèrent un grand nombre de baptisés, mais ils n’y rencontrèrent personne qui eût reçu le Saint-Esprit, comme il descendait alors sur les fidèles et leur faisait parler différentes langues pour marquer la diversité des nations qui devaient être appelées à la foi. Les Apôtres leur imposèrent donc les mains en priant pour eux, et ils reçurent le Saint-Esprit. Ce Simon n’était pas une colombe dans l’Église, ce n’était qu’un corbeau ; car il recherchait ses intérêts, au lieu de rechercher ceux de Jésus-Christ[4] ; dans le christianisme il préférait donc à la justice le pouvoir de faire des miracles. Voyant que les Apôtres donnaient le Saint-Esprit par l’imposition des mains (non qu’ils le donnassent par eux-mêmes, mais parce que leurs prières l’obtenaient de Dieu), il leur dit : « Combien voulez-vous d’argent,

  1. Act. 9, 1-30
  2. Id. 2, 1-4
  3. Id. 6, 3-6
  4. Phil. 2, 21