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serve, c’est impossible. Que votre charité soit attentive et comprenne bien ce que je dis ; car par le moyen de cette ruse nos adversaires trompent souvent ceux de nos frères qui sont indolents et tièdes. Soyons plus simples et plus fervents. Ai-je, disent-ils, reçu le baptême ou ne l’ai-je pas reçu ? Je réponds : Tu l’as reçu. Si je l’ai reçu, il n’y a aucun motif de me le donner ; j’ai lieu d’être tranquille, tu en conviens toi-même ; pour ma part, j’affirme avoir reçu le baptême, et toi, tu le reconnais formellement. Notre mutuel accord fait ma sécurité. Alors, que me promets-tu ? Pourquoi veux-tu me faire catholique, quand tu n’as rien de plus à me donner, quand d’après ton aveu j’ai déjà reçu ce que tu prétends avoir ? Pour moi, quand je dis : Viens à moi, je soutiens que tu n’as pas ce que tu avoues lire en ma possession ; pourquoi donc me dis-tu : Viens à moi ?
14. La colombe nous le fait savoir. Car, de dessus la tête du Seigneur où elle se trouve placée, elle répond en disant : Tu as le baptême, mais la charité qui me fait gémir, tu ne l’as pas. Qu’est-ce que cela veut dire, répond le donatiste ? J’ai le baptême et je n’ai pas la charité ? Ne te récrie pas ; montre-moi comment peut avoir la charité celui qui divise l’unité. Moi, j’ai le baptême. Oui, sans doute ; mais ce baptême sans la charité ne te sert de rien, parce que sans la charité tu n’es rien. Non pas que, même dans celui qui, n’est rien ; le baptême soit rien ; car ce baptême est quelque chose, et même quelque chose de grand, à cause de celui dont il a été dit : « C’est celui-là qui baptise ». Mais ne vas pas supposer que cette chose si grande puisse avoir quelque utilité pour toi, si tu n’es pas dans l’unité ; car la colombe est descendue sur Jésus-Christ baptisé, comme pour dire : Si tu as le baptême, sois dans la colombe, de peur que ce que tu as ne te serve de rien. Viens donc, leur disons-nous, viens à la colombe, non pour commencer à avoir ce que tu n’avais pas, mais afin que ce que tu avais commence à te servir, car ayant le baptême en dehors de la colombe, tu l’avais pour ta perte ; quand tu l’auras au dedans d’elle, il commencera à te servir pour ton salut.
15. Non-seulement le baptême ne te servait de rien, il était même nuisible pour loi. Car les choses saintes elles-mêmes peuvent nuire. Chez les bons elles contribuent à leur salut ; chez les mauvais, elles sont le principe de leur jugement. Il est sûr, mes frères, que nous savons ce que nous recevons ; et certainement ce que nous recevons est saint ; et personne ne prétend que cet aliment ne l’est pas. Que dit l’Apôtre ? : « Celui qui mange et boit indignement, mange et boit son jugement [1] ». Il ne dit pas que ce soit une chose mauvaise ; mais il soutient que le méchant, en la recevant mal, reçoit pour son jugement la bonne chose qu’il reçoit. Cette bouchée donnée à Judas par le Seigneur [2] était-elle mauvaise ? À Dieu ne plaise. Le médecin n’aurait pas donné le poison, le médecin a donné le salut ; mais en le recevant indignement, Judas l’a reçu pour sa perte parce qu’il ne l’a pas reçu dans la paix. Ainsi en est-il de celui qu’on baptise. J’ai, dis-tu, le baptême. Tu l’as, je l’avoue, fais bien attention à ce que tu as. De cela même résultera ta condamnation. Pourquoi ? Parce que tu as le bien de la colombe en dehors de la colombe. Si tu l’avais dans la colombe, par cela même que tu l’aurais, tu serais en sûreté. Suppose que tu es soldat : tu portes la marque de ton chef ; tu pourras combattre en toute sûreté mais si tu la portes en dehors, non seulement elle ne te servira de rien pour le combat, mais elle te fera punir comme déserteur. Viens donc, viens et ne dis pas : j’ai le baptême et il me suffit ; viens, la colombe t’appelle, elle t’appelle par ses gémissements. Mes frères, je vous le dis, appelez-les par vos gémissements, non par des querelles ; appelez-les par vos prières, par vos invitations, par vos jeûnes ; qu’ils comprennent que c’est votre charité pour eux qui vous fait trouver la séparation douloureuse. Je n’en doute pas, mes frères, s’ils voient votre douleur, elle les couvrira de confusion et les ramènera à la vie. Viens donc, viens, ne crains pas de venir ; crains plutôt si tu ne viens pas, je dirai même : en ce’ cas, ne crains pas, mais verse des larmes. Viens, si tu m’écoutes tu ressentiras une grande joie ; à la vérité tu ne laisseras pas de gémir au milieu des tribulations de ce pèlerinage ; mais l’espérance te remplira de joie. Viens où est la colombe, à laquelle il a été dit : « Une est ma colombe, elle est une pour sa mère ». Tu aperçois une seule colombe sur la tête du Christ ; mais ne vois-tu pas que les langues sont répandues

  1. 1 Cor. 11, 29
  2. Jn. 13, 26