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fois, comment le prouver ? Le voici. Le Sauveur était déjà baptisé quand la colombe est descendue sur lui ; mais avant qu’il vînt pour recevoir le baptême de Jean dans le Jourdain, nous l’avons dit, le Précurseur le connaissait comme il le marque par ces paroles : « Vous venez à moi pour être baptisé, c’est moi qui dois être baptisé par vous ». Voici donc qu’il connaissait le Seigneur, il connaissait le Fils de Dieu. Comment prouvons-nous qu’il le connaissait comme devant baptiser dans le Saint-Esprit ? Avant que Jésus-Christ vînt au fleuve, plusieurs accouraient auprès de Jean pour être baptisés et il leur dit : « Pour moi je vous baptise dans l’eau ; mais Celui qui vient après moi est plus grand que moi, je ne suis pas digne de délier les cordons de ses souliers ; c’est Lui qui vous baptisera dans le Saint-Esprit et le feu [1] ». Il savait donc déjà cela : par conséquent, qu’est-ce que la colombe lui a fait connaître, afin que plus tard nous ne le reconnaissions pas comme un menteur (ce que Dieu nous garde de penser) ? C’est évidemment cette particularité, savoir, que la sainteté du baptême serait attribuée à Jésus-Christ seul, quoique beaucoup de ministres justes ou injustes dussent le conférer. En effet, au moment où la colombe descendait sur lui, on entendit une voix qui disait : « C’est Celui-là qui baptise « dans le Saint-Esprit ». Que Pierre baptise, c’est Celui-là qui baptise ; que Paul baptise, c’est Celui-là qui baptise ; que Judas baptise, c’est Celui-là qui baptise.

8. Car si la sainteté du baptême est en proportion des mérites de ceux qui le confèrent, il ! aura autant de baptêmes que de sortes de mérites, et chacun croira en avoir reçu un meilleur, d’autant meilleur, que le ministre en paraîtra plus méritant. Les saints eux-mêmes, comprenez bien ceci, mes frères, les gens de bien appartiennent à la colombe, les citoyens de la sainte Jérusalem, les gens de bien qui font partie de l’Église, ceux dont l’Apôtre dit : « Le Seigneur connaîtra ceux qui sont à lui[2] », ont reçu des grâces différentes, tous n’ont pas les mêmes mérites ; il en est qui sont plus saints et meilleurs que d’autres. Comment dons, par exemple, si l’un est baptisé Par un ministre juste et saint, l’autre par un ministre inférieur en mérites auprès de Dieu, inférieur en élévation, en continence, en sainteté de vie, comment tous deux cependant reçoivent-ils une même et pareille grâce, une grâce égale en l’un et en l’autre, sinon parce que « c’est Celui-là qui baptise ? » Comment donc, selon que le ministre du baptême est bon ou meilleur, l’un ne reçoit-il pas une chose bonne et l’autre une chose meilleure ? Et quoique de deux ministres l’un est bon et l’autre meilleur, comment se fait-il qu’on reçoive un baptême unique et égal qui ne soit ni meilleur venant de l’un, ni de moindre valeur venant de l’autre ? De même en est-il lorsque le baptême est donné par un méchant, que l’Église ne connaît point comme tel, ou qu’elle tolère ; car on n’y connaît pas les méchants, ou bien on les y tolère : c’est de la paille ; on la tolère donc jusqu’au moment où enfin l’aire sera purgée. Ce que donne un pareil homme est de même nature : il n’est pas de moindre valeur en raison des moindres mérites du ministre ; c’est partout et toujours un baptême égal et pareil ; car : « c’est Celui-là qui baptise ? ».

9. Voyons donc, mes bien-aimés, ce que ne veulent pas voir les Donatistes ; (non pas ce qu’ils ne pourraient voir, mais ce qu’ils auraient mal de voir), comme si c’était impénétrable pour eux. Où les disciples ont-ils été envoyés pour baptiser comme ministres au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ? Où les a-t-on envoyés ? « Allez », leur dit Jésus-Christ, « baptisez les nations ». Vous savez, mes frères, comment est venu cet héritage : « Demande-moi, et je te donnerai les nations pour héritage, et pour possession toute l’étendue de la terre[3] ». Vous savez comment la loi est sortie de Sion et la parole du Seigneur de Jérusalem [4] ». Nous sommes devenus attentifs lorsque nous avons entendu ces paroles : « Allez baptiser les nations au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit[5]. C’est à Jérusalem, en effet, que les Apôtres ont entendu ces paroles : « Allez baptiser les nations au nom « du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit[6] ». C’est un seul Dieu ; il n’est pas dit : Aux noms du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; mais : « Au nom du Père et du Fils et du « Saint-Esprit ». Dès lors qu’il n’y a qu’un seul nom, il n’y a qu’un seul Dieu. Ainsi l’Apôtre Paul explique-t-il le passage où il est parlé de la race d’Abraham : « En ta descendance seront bénies toutes les nations ; Dieu ne lui

  1. Mat. 3, 14, 11
  2. 2Ti. 2, 19
  3. Psa. 2, 8
  4. Isa. 2, 3
  5. Mt. 28, 19
  6. Mt. 28, 19