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ils doivent trouver ce qui constitue la paix de Jérusalem. Comment vont-ils interroger ? En leur qualité de trônes de Dieu. C’est Dieu qui interroge. Si quelque chose peut échapper à Dieu, il peut échapper aussi à ces trônes qui interrogent. « Recherchez ce qui tient à la paix de Jérusalem ». Mais en quoi consiste la paix de Jérusalem ? « Que l’abondance », dit le Prophète, « soit pour ceux qui vous aiment ». Il s’adresse à Jérusalem, et dit que l’abondance est le partage de ceux qui l’aiment. Cette abondance vient de la pauvreté : ici-bas la pauvreté, là-haut l’abondance ; ici-bas la maladie, là-haut la santé ; ici-bas l’indigence, là-haut les richesses. D’où leur viendront ces richesses ? De ce qu’ils auront donné ici-bas ce qu’ils n’avaient reçu de Dieu que pour un temps, et que là-haut ils ont reçu ce que Dieu donne pour l’éternité. Ici-bas, mes frères, les riches eux-mêmes sont pauvres ; il est bon que le riche connaisse sa pauvreté. S’il croit qu’il regorge, c’est de l’enflure, et non la véritable abondance. Qu’il reconnaisse que ses mains sont vides, afin que Dieu les puisse remplir. Qu’a-t-il en effet ? de l’or. Que n’a-t-il pas ? la vie éternelle. Qu’il jette les yeux sur ce qu’il a et sur ce qu’il n’a pas encore ; et avec ce qu’il a, qu’il achète ce qu’il n’a pas. « Abondance à tous ceux qui vous aiment » ;
12. « Que la paix se fasse dans ta force[1] ». O Jérusalem ! ô cité bâtie comme une ville, et dont les habitants sont toujours les mêmes, que la paix se fasse dans ta force ; que la paix se fasse dans ton amour ; car, ton amour : c’est ta force. Écoute le Cantique : « L’amour est « fort comme la mort[2] ». Quelle magnifique parole, mes frères ! L’amour est fort comme la mort ! on ne pouvait avec plus de magnificence exprimer la force de l’amour, que de dire : « L’amour est fort comme la mort ». Qui peut en effet résister à la mort, mes frères ? Pensez-y bien. On résiste au feu, on résiste à l’eau, on résiste au fer, on résiste aux puissances, aux rois ; la mort vient seule, et qui peut lui résister ? Rien n’est plus fort. C’est pour cela qu’à cette force on compare la charité, et qu’il est dit : « L’amour est fort comme la mort ». Et comme la charité détruit ce que nous étions, afin que nous devenions ce que nous n’étions pas encore, voilà que l’amour nous fait subir une certaine mort. C’est ainsi qu’était mort celui qui disait : « Le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde[3] ». C’est par cette mort qu’avaient passé ceux à qui il disait : « Vous êtes morts, et votre vie est cachée en Dieu avec le Christ[4]. L’amour est fort comme la mort ». Si donc la charité est puissante, si elle est forte et d’une grande vertu, si elle est la vertu même, si c’est par elle que les forts conduisent les faibles, que le ciel gouverne la terre, que les trônes dirigent les peuples ; que la paix se fasse donc dans votre force, que la paix se fasse dans votre amour. Et par cette force, par cette charité, par cette paix, « que l’abondance règne dans vos tours » ; c’est-à-dire dans ce que vous avez de plus élevé, Il y en aura peu pour s’asseoir au jugement, mais beaucoup qui seront à la droite et com poseront le peuple de cette cité. Beaucoup appartiendront à chacun de ces saints éminents, qui les recevront dans les tabernacles éternels : et – l’abondance régnera dans vos tours. Or, le comble des délices, la suffisance des richesses, c’est Dieu, lui toujours le même, lui dont jouissent ensemble tous les habitants de la cité ; telle sera votre abondance. Mais comment nous viendra-t-elle ? par l’amour, ou par la force. En quoi se trouve cette charité, mes frères ? En celui qui ne recherche point ses propres intérêts en cette vie[5]. Écoute l’Apôtre tout brûlant de cette charité : « Cherchez à plaire à tous et en toutes choses », dit-il, « comme j’essaie de plaire à tous et en toutes choses[6] ». Mais que devient, ô bienheureux Apôtre, ce que vous dites ailleurs. « Si je voulais encore plaire aux hommes, je ne serais point serviteur du Christ[7] ? » Et maintenant vous leur plaisez, nous dites-vous, maintenant vous nous engagez à leur plaire ? Mais le but qu’il se propose n’est point de plaire aux autres par rapport à soi-même ; c’est de leur plaire par charité. Quiconque cherche sa gloire, ne cherche point le salut des autres. Saint Paul dit en effet : « De même que je plais à tous et en tout, sans chercher ce qui m’est avantageux, mais ce qui est avantageux à plusieurs, afin qu’ils soient sauvés[8] ».
13. C’est pourquoi le Prophète, parlant ici de la charité, s’écrie : « A cause de mes frères et de mes proches, ô Jérusalem, je parlais de votre paix[9]. O sainte Jérusalem, dont les

  1. Ps. 121,7
  2. Cant. 8,6
  3. Gal. 6,14
  4. Col. 3,3
  5. Phil. 2,4-21
  6. 1 Cor. 10,33
  7. Gal. 1,10
  8. 1 Cor. 10,32-33
  9. Ps. 121,8