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cautérise tes blessures. Quoique garrotté, tu frémissais d’épouvante ; mais ton médecin, bien que libre de toute entrave, a goûté le breuvage qu’il te présentait, il a souffert le premier pour te réconforter ; il semblait te dire : ce que ta crains de souffrir pour toi-même, je l’endure le premier pour toi. Voilà une grâce et une grande grâce. Qui est-ce qui pourrait en faire dignement l’éloge.
15. Je parle, mes frères, des humiliations du Christ : que vous dire de sa divinité et de ses grandeurs ? Pour vous dire : pour vous expliquer d’une manière quelconque les humiliations du Sauveur, notre parole ne suffit pas, les expressions nous manquent. Nous laissons à vos pensées le soin de suppléer à notre impuissance, car nous ne sommes point capables de vous satisfaire par nos discours. Pensez donc aux avertissements de Jésus-Christ. Mais, diras-tu, qui nous les expliquera, si tu ne nous en parles ? Que lui-même en parle à votre cœur. Celui qui habite en vous parle mieux que celui dont la voix frappe vos oreilles. Celui qui a commencé à demeurer dans vos cœurs vous fera apprécier le bienfait de ses humiliations. Toutefois, si nous nous trouvons déjà réduits à l’impuissance, rien qu’à vouloir vous en parler et vous en donner une idée, comment vous entretenir de ses grandeurs ? Si nous tremblons quand il nous faut discourir sur « le Verbe fait chair », comment vous expliquer qu’au commencement était le Verbe ? » Aussi, mes frères, tenez-vous-en là comme à un solide fondement.
16. « La loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité ont été apportées par Jésus-Christ ». Donnée par le serviteur, la loi a fait des coupables ; donnée par le Maître, la grâce a délivré les criminels. « La loi a été donnée par Moïse ». Que le serviteur ne s’attribue rien de plus que ce qu’il a fait lui-même. Choisi pour remplir une charge importante comme un serviteur dans la maison de son maître, mais cependant comme un serviteur, il peut agir selon la loi, il ne peut délivrer de l’état de péché qu’établit la loi. « La loi donc a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité ont été apportées par Jésus-Christ ».
17. Pour que personne ne dise : La grâce et la vérité n’ont-elles pas aussi été apportées par Moïse, qui a vu Dieu ? Jean ajoute aussitôt : « Personne n’a jamais vu Dieu ». Comment donc Dieu s’est-il fait connaître à Moïse ? En ce que le Seigneur lui a fait une révélation. Quel Seigneur ? Jésus-Christ lui-même, qui a d’abord envoyé la loi par son serviteur, et qui est venu lui-même, avec la grâce et la vérité. « Car personne n’a jamais vu Dieu ». S’il en est ainsi, comment s’est-il montré à ce serviteur autant que les facultés de Moïse pouvaient le lui permettre ? « Mais », ajoute-t-il, « le Fils unique qui est dans le sein du Père le lui a raconté ». Qu’est-ce à dire : « dans le sein du Père ? » Dans le secret du Père. En effet, Dieu n’a pas de sein comme nous en avons un sous nos vêtements ; nous ne devons pas nous figurer qu’il s’assoie comme nous le faisons nous-mêmes, ou qu’il se ceigne pour se faire un sein ; mais comme notre sein est caché sous nos vêtements, le secret du Père s’appelle le sein du Père. Celui donc qui connaît le Père parce qu’il est dans son secret, l’a lui-même raconté ; car « personne n’a jamais vu Dieu ». Il est donc venu lui-même, et il a raconté tout ce qu’il a vu. Qu’a vu Moïse ? Il a vu une nuée, il a vu un ange, il a vu une flamme. Créature que tout cela. C’était l’image du Seigneur, non sa personne. Sans doute, car tu lis formellement au livre de la loi : « Moïse parlait avec le Seigneur, face à face, comme un ami avec son ami » ; mais continue ta lecture, tu verras que Moïse disait : « Si j’ai trouvé grâce en votre présence, montrez-vous à moi à découvert, afin que je vous voie ». Et c’est peu qu’il ait ainsi parlé, écoute ce qu’on lui répond : « Tu ne peux voir ma face [1] ». Mes frères, l’ange parlait donc avec Moïse, et cet ange était L’image de Dieu et tout ce qui a été fait par l’ange, en cette circonstance, était la promesse de cette grâce et de cette vérité réservée aux temps à venir. Ceux qui étudient sérieusement les Écritures, ne l’ignorent pas, et lorsque l’occasion opportune de vous en parler se présente à nous, autant que Dieu nous fait la grâce de nous le faire connaître, nous avons soin de vous le découvrir.
18. Sachez donc que toutes ces représentations corporelles aperçues par Moïse n’étaient pas la substance de Dieu. En effet, nous voyons de pareils signes avec les yeux de notre corps ; mais le moyen de voir la substance

  1. Ex. 33, 11, 13, 20