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à vos bonnes pensées vient encore faire en votre cœur ce que la rosée fait dans les champs où elle ameublit la terre, couvre la semence et l’aide ainsi à germer, facilite son développement, il vous restera pour votre part, à produire une moisson qui fasse la joie et le contentement du laboureur[1]. Que si, pour cette bonne semence et pour cette pluie bienfaisante, vous produisez, non du blé, mais des épines, on n’en accusera ni la semence, ni la pluie, mais les épines seront réservées au feu qu’elles méritent.
2. Nous sommes des hommes, et ce qui, à mon avis, ne demande pas de longs raisonnements pour le persuader à votre charité, nous sommes des chrétiens ; si nous sommes des chrétiens, ce titre montre que nous appartenons à Jésus-Christ. Nous en portons le signe sur le front ; nous ne devons pas en rougir, pourvu toutefois que nous le portions aussi sur notre cœur. Ce signe du Sauveur n’est autre que son humilité ; une étoile a servi à le faire connaître aux Mages : c’était le signe donne par, le Seigneur, signe brillant et venu du ciel[2] ; il n’a pas voulu qu’une étoile fût marquée comme signe sur le front des fidèles, il a choisi la croix. Le principe de ses humiliations est devenu celui de sa gloire. Nous étions plongés dans un abîme ; il s’est abaissé, il y est descendu et il nous en a retirés. Nous appartenons donc à l’Évangile, nous appartenons au Nouveau Testament. « La loi a été donnée par Moïse, mais la grâce et la vérité ont été apportées par Jésus-Christ ». Interrogeons l’Apôtre, il nous enseigne que nous sommes sous l’empire, non de la loi, mais de la grâce[3], et il nous dit : « Dieu a donc envoyé son fils, formé de la femme, formé sous la loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la loi et nous rendre enfants adoptifs[4] ». Voilà pourquoi Jésus-Christ est venu ; c’était pour racheter ceux qui étaient sous la loi, afin que désormais nous ne soyons plus sous l’empire de la loi, mais sous celui de la grâce. Qui a donné la loi ? Celui-là même a donné la loi, qui a donné la grâce ; mais la loi, il l’a envoyée par son serviteur, la grâce, il est descendu pour nous l’apporter. Mais comment les hommes étaient-ils venus se ranger sous la loi ? En n’accomplissant pas la loi. Celui qui accomplit la loi n’est pas sous la loi, mais quiconque est sous la loi, en est écrasé au lieu d’en être soulagé. Aussi tous les hommes placés sous la loi, la loi les rend criminels, c’est pourquoi elle est sur leur tête, non pour ôter leurs péchés, mais pour montrer qu’ils sont pécheurs. La loi ordonne, mais pour accomplir ce qu’ordonne la loi, la miséricorde du législateur est indispensable. En s’efforçant d’accomplir les préceptes de la loi avec leurs propres forces, les hommes ont été entraînés dans l’abîme par cette présomption téméraire et irréfléchie, et au lieu d’être avec la loi, ils sont tombés sous la loi, et sont devenus criminels ; mais comme, par leurs propres forces, ils n’ont pu accomplir la loi, ils sont tombés sous la loi et sont devenus coupables ; alors ils ont imploré le secours du Libérateur. Ainsi cette culpabilité sous la loi a rendu malades les superbes. La maladie des superbes leur a inspiré l’humilité et les a portés à avouer leur faiblesse ; déjà les malades confessent leur mal, vienne le médecin et qu’il les guérisse.
3. Quel est ce médecin ? Jésus-Christ Notre. Seigneur. Qui est Jésus-Christ Notre-Seigneur ? Celui qui s’est montré même à ceux qui l’ont crucifié, celui qui a été pris, souffleté, flagellé, couvert de crachats, couronné l’épines, attaché à la croix, qui est mort, qui a été percé d’une lance, descendu de la croix et mis dans un sépulcre. C’est bien Jésus-Christ Notre-Seigneur, oui, c’est lui, c’est lui seul qui a mis le remède sur nos blessures, c’est le crucifié qu’on a accablé d’injures, devant qui les bourreaux passaient en secouant la tête et en disant : « Il est le Fils de Dieu, qu’il descende de la croix [5] ». Voilà notre unique médecin ; oui, c’est lui. Pourquoi donc n’a-t-il pas montré à ses insulteurs qu’il était le fils de Dieu ? S’il leur a permis de l’élever en croix, au moins, lorsqu’ils lui disaient : « S’il est le Fils de Dieu, qu’il descende de la croix », pourquoi n’en est-il pas descendu, ne leur a-t-il pas montré qu’il était le vrai Fils de Dieu dont ils avaient osé se moquer ? Il ne l’a pas voulu. Pourquoi ne l’a-t-il pas voulu ? Était-ce défaut de puissance ? Non, assurément. Quel est en effet le plus difficile, de descendre d’une croix ou de sortir vivant du tombeau ? Cependant, il a supporté les insultes, car sa croix devait lui servir à nom donner, non pas une preuve de sa puissance,

  1. Mt. 13, 3-23
  2. Id. 2, 2
  3. Rom. 6, 34
  4. Gal. 4, 4,5
  5. Mt. 27, 39, 40