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Christ leur a inspiré du dégoût. Il faut passer la mer, et le bois qui te porte tu le méprises ? O sagesse orgueilleuse, tu te moques de Jésus crucifie ! Mais c’est celui-là même que tu as vu de loin ! « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu ». Mais pourquoi a-t-il été crucifié ? Parce que le bois de ses abaissements t’était nécessaire. Pour toi, tu étais enflé d’orgueil ; tu te trouvais jeté à une distance énorme de la patrie, les flots de ce siècle te coupaient le chemin qui conduit à la patrie, tu n’avais pas d’autre ressource que d’y être porté sur le navire. Ingrat, tu te moques de celui qui vient à toi pour faciliter ton retour ! Il s’est fait la voie, et la voie au travers des flots. De là vient qu’il a marché sur la mer [1], pour montrer que sur la mer était la voie. Mais toi, qui ne peux comme lui marcher sur la mer, fais-toi porter par le vaisseau, par le bois de la croix ; crois-tu au Crucifié et tu pourras arriver. C’est pour toi qu’il a été crucifié, afin de t’apprendre l’humilité, et aussi parce que s’il était venu comme Dieu, il ne serait pas venu pour ceux qui ne pouvaient voir Dieu. Il n’est donc pas venu du ciel, il n’y est pas retourné en tant que Dieu, puisque comme tel il est partout et n’est renfermé nulle part. Comment donc est-il venu ? Tel qu’il nous a apparu, avec la nature humaine.
5. Aussi, parce qu’il était un homme, mais un homme en qui Dieu était caché, il a envoyé devant lui un homme extraordinaire dont le témoignage le fit reconnaître comme étant une nature supérieure à celle de l’homme. Quel était ce personnage extraordinaire ? « Il y eut un homme ». Comment pouvait-il dire la vérité sur Dieu ? « Il était envoyé de Dieu ». Son nom ? « Il s’appelait Jean ». Pourquoi est-il venu ? « Il est venu pour rendre témoignage, pour rendre témoignage de la lumière, afin que tous crussent par lui ». Qui était-il pour rendre témoignage de la lumière ? C’était quelque chose de grand, grand mérite, grande grâce, grande élévation ! Admirez-le, oui, admirez-le, mais admirez-le comme une montagne. Or, une montagne demeure dans les ténèbres, à moins que la lumière ne vienne l’éclairer de ses rayons. Ainsi, n’admirez Jean que pour entendre ce qui suit : « Il n’était pas la lumière », de peur que, prenant la montagne pour la lumière, tu y trouves non pas la consolation, mais le naufrage. Mais que dois-tu admirer ? La montagne comme montagne. Cependant dresse-toi vers celui qui illumine la montagne, élevée pour recevoir la première les rayons de la lumière et la refléter ensuite à tes yeux. Donc, « il n’était pas la lumière ».
6. Pourquoi donc est-il venu ? « Pour rendre témoignage de la lumière ». Pourquoi ce témoignage ? « Afin que tous crussent en lui ». Quelle était cette lumière dont il devait rendre témoignage ? « Il était la lumière véritable ». Pourquoi l’Évangéliste a-t-il ajouté le mot véritable ? Parce que l’homme éclairé est appelé lumière, tandis que la lumière véritable est celle qui éclaire. En effet, nos yeux sont aussi appelés lumières ; et cependant, si de nuit on n’allume pas une lampe, ou si de jour le soleil ne se rencontre pas, c’est inutilement que ces lumières sont ouvertes. Ainsi Jean était la lumière, mais non la lumière véritable ; parce que, avant d’être éclairé, il était ténèbres, et que, après avoir été éclairé, il est devenu lumière. S’il n’avait pas reçu les rayons de la lumière, il serait resté ténèbres, comme tous les impies auxquels, même après leur conversion à la foi, l’Apôtre disait : « Autrefois, vous étiez ténèbres ». Cependant, parce qu’ils avaient reçu la foi, qu’ajoutait-il ? « Maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur [2] ». S’il n’avait pas ajouté : « Dans le Seigneur », nous n’aurions pas compris ce qu’il voulait dire. « Vous êtes », disait-il, « lumière dans le Seigneur ». Vous étiez ténèbres, mais noms dans le Seigneur ; car « autrefois vous étiez ténèbres » ; là il n’ajoute pas dans le Seigneur. Donc vous étiez ténèbres en vous, et lumière dans le Seigneur. Ainsi, « Jean n’était pas la lumière, mais il était venu pour en rendre témoignage ».
7. Mais la lumière même, où est-elle ? « Il était la lumière véritable qui éclaire tout homme venant en ce monde ». S’il éclaire tout homme venant en ce monde, il éclairait aussi Jean ; il éclairait donc celui par qui il voulait être montré. Que votre charité s’applique à m’entendre. Il venait à des esprits infirmes, à des cœurs blessés, à des âmes dont l’œil était malade. Tel était l’objet de sa venue. Et comment l’âme aurait-elle pu voir ce qui a la perfection de l’être ? De la manière dont il arrive souvent de connaître, par les

  1. Mt. 14, 25
  2. Eph. 5, 8