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DEUXIÈME TRAITÉ.

DEPUIS L’ENDROIT OU IL EST ÉCRIT : « IL Y EUT UN HOMME ENVOYÉ DE DIEU, NOMMÉ JEAN », JUSQU’À « PLEIN DE GRÂCE ET DE VÉRITÉ ». (Chap. 1, 6-14.)

SAINT JEAN, PRÉCURSEUR DU CHRIST.

L’homme ne saurait, ni par lui-même, ni par un autre moyen humain, se faire une idée de la nature du Verbe ; mais pour l’instruire, le Fils de Dieu s’est fait chair et est mort sur use croix. Il est la lumière véritable ; néanmoins, afin de n’être pas méconnu, il a envoyé devant lui une lampe destinée à ménager la faiblesse de nos yeux et à nous faire voir ce soleil qui éclaire le monde, ce maître qui le gouverne. Malgré cela plusieurs ne l’ont pas reçu ; pour ceux qui lui ont fait bon accueil, ils sont devenus par la grâce de l’incarnation les enfants adoptifs de Dieu, et ils ont reconnu en Jésus-Christ le Fils de l’Éternel.


1. Il est bon, mes frères, lorsque nous nous appliquons à étudier les divines Écritures, principalement le saint Évangile, de n’omettre autant que possible aucun passage, afin de nous en nourrir selon notre capacité, et de nous faire part ensuite de ce qui nous a été donné. Il nous souvient d’avoir expliqué hier, dimanche, les paroles du premier chapitre, c’est-à-dire : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe tétait Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n’a été fait. Ce qui a été fait est vie en lui ; et la vie était la lumière des hommes. Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise ». Si je ne me trompe, voilà jusqu’où nous avons poussé nos explications ; tous ceux qui se trouvaient ici s’en souviennent ; pour vous, qui étiez absents, croyez à ma parole et à celle des personnes qui ont bien voulu venir nous entendre. Il nous est impossible de revenir sans cesse sur nos pas ; car nous deviendrions ennuyeux, si, sous prétexte de ne point priver les absents d’hier, nous répétons ce que nous avons déjà dit devant ceux qui étaient alors présents, et qui désirent entendre la suite. Daignent donc les personnes gui n’ont pas assisté à notre première dissertation, ne point exiger de nous un retour en arrière, et se mettre avec les autres à écouter ce que nous devons dire aujourd’hui.
2. Voici la suite : « Il y eut un homme ennoyé de Dieu, qui s’appelait Jean ». Aussi bien ce qui a été dit plus haut, mes très-chers frères, a été dit de l’ineffable divinité duVerbe, et dans un langage presque ineffable. En effet, qui pourra comprendre : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu ? » Afin que ce nom de Verbe ne te semble pas commun, en raison de l’habitude où l’on est de prononcer tous les jours des verbes, Jean ajoute : « Le Verbe était Dieu ». C’est de ce même Verbe que nous avons abondamment parlé hier. Dieu veuille que de tant de paroles, quelques-unes au moins aient trouvé accès jusqu’à votre cœur. « Au commencement était le Verbe ». Il est toujours le même, toujours de la même manière ; ce qu’il est, il l’est toujours, il ne peut changer ; être ainsi c’est être. Être, voilà son nom. Il l’a dit à son serviteur Moïse : « Je suis celui qui suis ». Et encore : « Celui qui est m’a envoyé [1] ». Encore une fois, qui est-ce qui pourra le comprendre, quand on voit que ce qui est mortel est changeant ; non seulement les corps sont soumis à des modifications diverses, comme naître, croître, s’affaiblir, mourir ; les âmes elles-mêmes s’étendent et se déchirent sous l’effort des désirs qui les sollicitent en sens contraires ; quand on voit les hommes capables de percevoir la sagesse, s’ils se soumettent à l’influence de sa lumière et de sa chaleur, capables aussi de la perdre, si leurs affections déréglées les en éloignent ? Quand donc vous voyez tant de vicissitudes en toutes choses, de quel œil pouvez-vous considérer ce qui est ? Ne vous semble-t-il pas placé bien au-dessus des êtres qui sont comme s’ils n’étaient pas ? Encore une fois, qui pourra le comprendre ? De quelque

  1. Ex. 3, 14