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Nous sommes justifiés en invoquant la miséricorde, et en craignant le jugement ; de là cette parole : « Seigneur, sauvez-moi en votre nom, et jugez-moi dans votre puissance[1] ». Or, il ne craint point d’être jugé, celui qui a tout d’abord obtenu d’être sauvé. Notre vocation nous fait renoncer au diable par la pénitence, afin de ne plus demeurer sous son joug ; après la justification, nous sommes guéris par la miséricorde, afin de ne plus craindre le jugement ; et une fois glorifiés, nous passons à la vie éternelle, pour louer Dieu sans fin. C’est là ce que signifie, je crois, cette parole du Sauveur : « Voilà que je chasse les démons, et fais des guérisons aujourd’hui et demain, et au troisième jour je serai mis à mort[2] » ; ce qu’il figura aussi dans les trois jours de sa passion, de son sommeil, et de son réveil. Car il fut crucifié, il fut enseveli, il ressuscita. Il triompha sur la croix des princes et des puissances, se reposa dans le sépulcre et s’élança à sa résurrection. De même la pénitence nous met à la croix, la justice au repos, la vie éternelle dans la gloire. La pénitence dit : « Ayez pitié de moi, mon Dieu, selon la grandeur de votre miséricorde, et selon la multitude de vos bontés, effacez mes iniquités[3] ». Elle offre pour sacrifice à Dieu une âme brisée de douleur, un cœur contrit et humilié. C’est le Christ qui dit dans ses élus : « Seigneur, je chanterai votre miséricorde et votre jugement, je connaîtrai les voies de l’innocence quand vous viendrez à moi[4] ». C’est la miséricorde, en effet, qui nous aide à faire les œuvres de justice, afin d’arriver en toute sécurité au jugement, dans lequel seront bannis de la cité de Dieu ceux qui commettent l’iniquité[5]. Le verset qui termine le psaume que nous allons expliquer est le cri de la vie éternelle.
4. « Louez le Seigneur dans ses saints » ; dans ceux qu’il a glorifiés. « Louez-le dans le firmament de sa puissance » ; ou, comme d’autres ont traduit, « dans ses puissances ». « Louez-le selon ses infinies grandeurs[6] ». Toutes ces dénominations désignent les saints de Dieu, selon cette parole de l’Apôtre : « Afin que nous devinssions en lui la justice de Dieu[7] ». Si donc ils sont la justice que Dieu a opérée en eux, pourquoi ne seraient-ils pas aussi cette puissance que Dieu a exercée en eux, pour les ressusciter d’entre les morts ? Car c’est dans la résurrection du Christ que sa puissance paraît avec le plus d’éclat ; comme sa faiblesse parut en sa passion, ainsi que l’a dit l’Apôtre : « S’il a été crucifié selon la faiblesse de la chair, il est néanmoins vivant par la force de Dieu[8] ». Et ailleurs : « Afin », dit-il, « que je connaisse Jésus-Christ, et la vertu de sa résurrection[9] ». Le Prophète a dit admirablement : « Dans le firmament de sa puissance ». C’est en effet le firmament de sa puissance de ne plus mourir, de n’être plus assujetti à la mort[10]. Pourquoi ne pourrait-on appeler puissance de Dieu celle qu’il a déployée dans ses saints ? Et même ce sont eux qui sont les puissances de Dieu, ainsi qu’il est écrit : « Nous sommes en lui la justice de Dieu[11] ». Quelle plus grande puissance que de régner éternellement, après avoir mis sous ses pieds tous ses ennemis ? Pourquoi ses saints ne seraient-ils point aussi son infinie grandeur ? Non point la grandeur qui le fait grand en lui-même, mais cette grandeur qui a fait la grandeur de tant de milliers de ses élus ? De même, en effet, que l’on se fait une idée particulière de la justice[12], par laquelle Dieu est juste, on se fait une autre idée de celle qu’il forme en nous, afin que nous soyons sa justice.
5. Ces mêmes saints sont encore désignés dans tous ces instruments qui servent à la louange de Dieu. Ce que le Prophète a dit tout d’abord : « Louez le Seigneur dans ses saints », il le continue, en marquant les saints par différentes expressions.
6. « Louez-le au son de la flûte » ; ce qui marque une louange éclatante. « Louez-le sur le psaltérion et sur la harpe[13] ». Le psaltérion fait résonner la louange de Dieu, par le haut de l’instrument, et la harpe le fait par le bas ; c’est comme la louange dans les choses célestes, la louange dans les choses terrestres, comme le Dieu qui a fait le ciel et la terre. Déjà, en effet, dans un autre psaume, nous avons dit que le psaltérion a par le haut cette concavité sur laquelle on ajuste les cordes afin d’en tirer un son plus retentissant, tandis que dans la guitare cette concavité est en bas.

  1. Ps. 53,3
  2. Lc. 13,32
  3. Ps. 50,3
  4. Id. 100,1 ; 2
  5. Id. 8
  6. Id. 150,1-2
  7. 2 Cor. 5,21
  8. 2 Cor. 13,4
  9. Phil. 3,10
  10. Rom. 6,9
  11. 2 Cor. 5,21
  12. Dan. 7,10
  13. Ps. 150,3