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7. « Qu’ils chantent son nom en chœur[1] ». Que signifient ces chœurs ? Il en est beaucoup pour connaître ces chœurs, et comme nous parlons dans une ville, tous les connaissent. On appelle chœur l’accord de plusieurs voix. Si nous chantons en chœur, chantons en accord. Dans un concert, toute voix discordante blesse l’oreille et trouble le chœur. Mais si un ton de voix en désaccord trouble ainsi un concert, que fera l’hérésie discordante au milieu de ceux qui louent le Seigneur ? Or, le concert du Christ, c’est le monde entier, et ce concert du Christ résonne de l’Orient et de l’Occident. Voyons si le chœur du Christ a une telle étendue. Il est dit dans un autre psaume : « Du lever du soleil à son coucher, louez le nom du Seigneur[2]. Qu’ils chantent son nom en chœur ».
8. « Qu’ils chantent ses louanges au son du tambour et du psaltérion ». Pourquoi choisir ici le tambour et le psaltérion ? Afin qu’on ne loue pas Dieu de la voix seulement, mais aussi par les œuvres. Chanter sur le tambour ou sur le psaltérion, c’est joindre la main à la voix. De même pour toi, lorsque tu chantes l’Alléluia, si ta main donne le pain à celui qui a faim, revêt celui qui est nu, donne l’hospitalité à l’étranger, alors ta voix n’est point seule pour chanter, ta main chante aussi, l’action est en accord avec les paroles. Tu as pris la harpe en main, et les doigts et la langue sont en harmonie. Ne passons pas sous silence la signification mystérieuse du tambour et du psaltérion. Le tambour est formé d’une peau tendue, le psaltérion de cordes tendues aussi. L’un et l’autre de ces instruments désignent la chair crucifiée. Il chantait admirablement sur le tambour et sur le psaltérion, celui qui disait : « Le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde[3] ». Or, il l’engage à prendre le psaltérion et le tambour, celui qui aime le cantique nouveau, et qui te donne cette leçon : « Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il renonce à soi-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive[4] ». Qu’il ne quitte point le psaltérion, ne quitte point le tambour, qu’il s’étende sur le bois et dessèche la convoitise de la chair. Plus les cordes sont tendues, plus le son en est aigu. Que dit saint Paul, afin de rendre un son plus aigu sur le psaltérion ? « J’oublie ce qui est en arrière, je m’étends vers ce qui est devant moi, poursuivant la palme de la vocation éternelle[5] ». L’Apôtre s’étendait pour ainsi dire, et sous le doigt du Christ il rendait le son harmonieux de la vérité. « Chantez ses louanges sur le psaltérion et sur le tambour ».
9. « Parce que le Seigneur a traité son peuple favorablement ». Quel ! e plus grande faveur que de mourir pour les impies ? Quelle plus grande faveur que d’effacer par un sang juste l’arrêt qui condamne le pécheur ? Quelle plus grande faveur que de dire : je ne considère plus ce que vous avez été, soyez ce que vous n’étiez pas ? « Le Seigneur a comblé de faveurs son peuple », par la rémission des péchés, par la promesse de la vie éternelle : il le comble de faveurs en rappelant celui qui s’éloigne, en soutenant celui qui combat, en couronnant celui qui triomphe. « Il a comblé son peuple de faveurs, et il glorifiera les humbles par le salut ». Il est vrai que les orgueilleux se glorifient aussi, mais ce n’est point par le salut. Les humbles s’élèvent donc pour le salut, les orgueilleux pour la mort, c’est-à-dire que les orgueilleux s’élèvent et que le Seigneur les humilie, que les humbles s’humilient et que Dieu les élève. « Il glorifie les humbles pour leur salut ».
10. « Les saints tressailliront dans la gloire[6] ». Je voudrais vous dire un mot de la gloire des saints, redoublez d’attention. Il n’est personne, en effet, qui n’aime la gloire. Cette gloire mène des insensés, qu’on appelle gloire populaire, a ses charmes qui nous trompent ; chacun s’éprend de ces louanges futiles des hommes au point de vouloir vivre de manière à mériter les applaudissements, peu importe d’où ils lui viennent et de quelle manière. De là ces hommes pris de vertige, enflés d’orgueil, vides à l’intérieur, bouffis extérieurement, qui perdent volontairement ce qu’ils possèdent, en le donnant à des comédiens, à des histrions, à des chasseurs, à des cochers. Quels dons ! quelles dépenses ! Consumer ainsi non seulement les richesses du patrimoine, mais les richesses de l’âme ! Mais ils n’ont que du mépris pour le pauvre, parce que le peuple n’applaudit point quand il reçoit l’aumône ; tandis qu’il applaudit quand on donne à un

  1. Ps. 149,3
  2. Id. 112,3
  3. Gal. 6,14
  4. Mt. 16,24
  5. Phil. 3,13-14
  6. Ps. 149,5