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comme nous l’expose Jésus-Christ, quand il nous dit, à propos du semeur, « qu’un homme sema du bon grain dans son champ, et que l’ennemi vint et y sema de l’ivraie ; et les serviteurs dirent au père de famille : N’avez-vous pas semé de bon grain dans votre champ ? d’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ? Il répondit : C’est l’ennemi qui a fait cela ». Ils voulaient cueillir l’ivraie, mais il les en empêcha en disant : « Laissez croître l’un et l’autre jusqu’à la moisson, et au temps de la moisson je dirai aux moissonneurs : « Cueillez tout d’abord l’ivraie, et liez-la en bottes, pour la brûler ; quant au froment, mettez-le en réserve sur mon grenier ». Les disciples lui demandèrent ensuite : « Exposez – nous le sens de cette parabole de l’ivraie ». Il leur en expliqua toutes les parties, afin que nul n’attribue à ses propres lumières l’intelligence qu’il en peut avoir, mais bien à ce Maître céleste qui l’a exposée. Que nul ne vienne dire qu’il l’a expliquée comme il l’a voulu. Si le Seigneur eût expliqué la parabole d’un Prophète, quand lui-même disait par leur bouche tout ce qu’ils disaient, qui oserait dire qu’il ne devait point donner lui-même cette explication ? À plus forte raison, quand il donne le sens d’une parabole que lui-même a proposée, qui oserait contredire une vérité aussi évidente ? En expliquant cette parabole, le Sauveur nous dit donc : « Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’Homme », se désignant ainsi lui-même. « Le bon grain, ce sont les fils du royaume », c’est-à-dire l’assemblée des saints ; « l’ivraie, ce sont les fils de l’iniquité. Le champ, c’est le monde[1] ». Or, voyez, mes frères, que le bon grain est semé dans le monde entier, et que dans le monde entier il y a de l’ivraie. N’y a-t-il dans une partie que le bon grain, et que l’ivraie dans l’autre partie ? Nullement ; partout est le bon grain, et partout est le froment. Le champ du Seigneur c’est le monde, et non l’Afrique seulement. Il n’en est point de ce champ du Seigneur comme des autres terres, dont les unes, comme la Gétulie, rapportent soixante et cent pour un ; les autres, comme la Numidie, seulement dix pour un. Partout Dieu récolte cent pour un, ou soixante, ou trente ; vois seulement ce que tu veux être, si tu prétends être ce grain que récolte le Seigneur. Cette Assemblée des saints est donc l’Église catholique ; et l’Assemblée des saints ne saurait être l’Église des hérétiques. Cette Église des saints est celle que Dieu a prédite avant qu’elle fût visible, et qu’il veut rendre visible en la mettant sous nos yeux. L’Église des saints était jadis dans les livres, aujourd’hui elle est dans les nations : jadis on lisait seulement que l’Église des saints existerait, aujourd’hui on le lit encore, et, de plus, on voit qu’elle existe. On croyait en elle quand elle n’existait que dans les livres, aujourd’hui qu’on la voit, on lui résiste. « Sa louange est dans l’assemblée des saints ».
4. « Qu’Israël tressaille dans celui qui l’a fait[2] ». Que veut dire Israël ? Celui qui voit Dieu, c’est le sens que l’on donne à Israël. Que celui qui voit Dieu tressaille donc dans ce Dieu qui l’a fait. Pourquoi donc, mes frères, disons-nous que nous appartenons à l’Église des saints ? est-ce que nous voyons Dieu dès cette vie ? Et si nous ne le voyons pas, comment sommes-nous Israël ? Il est une vue de Dieu propre à cette vie, et une autre vue pour la vie à venir. Ici-bas nous voyons par la foi ; dans la vie future nous verrons face à face. Croire c’est voir, aimer c’est voir. Que voyons-nous ? Dieu. Où est Dieu ? Interroge saint Jean : « Dieu est charité »[3], nous dit-il. Bénissons dès lors son saint nom, et réjouissons-nous en Dieu, si nous nous réjouissons dans la charité. Qu’un homme ait la charité, et dès lors l’enverrons-nous bien loin pourvoir Dieu ? Qu’il entre seulement dans sa conscience, et il y trouve Dieu. Mais si la charité n’est point dans son cœur, Dieu non plus n’y est pas, tandis qu’il y est si la charité s’y rencontre. Un homme voudrait peut-être voir Dieu assis dans le ciel ; qu’il ait la charité et Dieu habitera en lui comme dans le ciel. Soyons donc Israël, et réjouissons-nous en celui qui nous a faits. « Qu’Israël tressaille en celui qui l’a fait ». Oui, qu’il se réjouisse dans celui qui l’a fait, et non point dans Anus, non point dans Donat, non point dans Cécilien, non point dans Proculien, non point dans Augustin. Qu’il tressaille dans celui qui l’a fait. Loin de nous, mes frères, de nous faire valoir auprès de vous ; c’est Dieu que nous vous recommandons, parce que nous vous recommandons à Dieu. Comment faire valoir Dieu auprès de vous ? En vous recommandant

  1. Mt. 13,21-38
  2. Ps. 149,2
  3. Jn. 4,16