Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/306

Cette page n’a pas encore été corrigée

« J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ». Et quand on lui dit : « Où donc vous avons-nous rencontré ayant faim ? » il ne répondrait pas : Quand vous l’avez fait au moindre des miens, c’est à moi que vous l’avez fait[1] ». Voilà Israël, voilà le peuple qui s’approche de Dieu, qui s’unit à lui maintenant dans l’espérance, et plus tard en réalité.


DISCOURS SUR LE PSAUME 149

SERMON AU PEUPLE.

LE NOUVEAU CANTIQUE OU L’ÉVANGILE.

Ce cantique nouveau du psaume est le Nouveau Testament avec ses promesses spirituelles, comme le vieux cantique est l’Ancien Testament avec ses promesses temporelles. L’amour seul est toujours nouveau et toujours ancien, parce qu’il est le Verbe de Dieu, qui ne vieillit point. L’homme vieillit par le pêché, la grâce le rajeunit. Chantons ce cantique, mais par Ioule la terre ; chantons, non seulement de la voix, mais de la pensée qui se manifeste par toutes les œuvres, comme celle des loups revêtus de la peau des brebis. Chantons ce cantique par tonte la terre, dont nul ne doit se séparer, autrement il ne serait pas le froment ; sortir de l’aire est le fait de la paille. C’est le Seigneur qui sème le bon grain, l’ennemi l’ivraie ; car ils doivent croître jusqu’à la moisson. Le champ du Seigneur c’est le monde, c’est l’assemblée des saints, autrefois prophétisée, maintenant accomplie. Israël, ou celui qui voit Dieu, doit tressaillir dans le Seigneur, et, comme Dieu est charité, aimer Dieu c’est le voir, c’est être Israël. Nous devons nous réjouir en Dieu, et non dans tel ou tel homme ; en notre roi qui est le Christ, parce qu’il a vaincu le diable ; qui est notre prêtre, puisqu’il s’est offert pour nous, qui n’avions aucune hostie pure.

Chantons et chantons en chœur, c’est-à-dire eu accord, et sur les tambours et sur le psaltérion, en accompagnant la voix de la main, ou plutôt des œuvres. Le tambour est une peau tendue ; le psaltérion est fait de cordes tendues aussi, ce qui désigne la mortification de la chair. Le Seigneur nous a comblés de faveurs en nous appelant à la gloire, en nous soutenant dans le combat. Les saints tressailliront dans leur gloire, parce qu’ils recherchent les applaudissements de Dieu seul, et non ceux des hommes, comme ces fous qui revêtirent un comédien et non tes pauvres de Jésus-Christ ; ils tressailliront dans leur lit de repos ou dans leur conscience, mais avec l’humilité de la crainte. Cette framée à deux tranchants est ta parole de Dieu qui règle les intérêts des temps et ceux de l’éternité, qui sépare le saint de l’impie, établissant aussi deux Testaments ; elle est aux mains des saints qui peuvent la prêcher, ou la prêcher et l’écrire. Avec ce glaive les saints tuent dans l’homme le païen pour faire le chrétien, comme Saut mourut pour foire place à Paul. Les rois, en devenant chrétiens, ont mis leurs pieds dans les entraves des préceptes de l’Évangile, ils se sont imposé des chaînes qui leur défendaient de faire ce qu’ils pouvaient ; chaînes de fer qui commencent par la crainte pour nous conduire au collier d’or de la sagesse ; chaînes de fer dans l’inviolabilité du mariage. Tel est le jugement que les saints accomplissent par leurs prédications.


1. Louons Dieu, mes frères, et par la voix, et par l’intelligence, et par les bonnes actions ; et d’après l’exhortation du psaume, chantons-lui un cantique nouveau. Car c’est ainsi qu’il commence : « Chantez au Seigneur un nouveau cantique[2] ». Le vieux cantique est celui du vieil homme, le nouveau cantique, celui de l’homme nouveau. Au vieux Testament le vieux cantique ; au nouveau Testament le nouveau cantique ; comme au vieux Testament les promesses temporelles et terrestres. Quiconque aime les choses d’ici-bas, aime le vieux cantique ; pour chanter le cantique nouveau, il faut aimer les choses de l’éternité. Quant à l’amour lui-même, il est nouveau et néanmoins éternel ; dès lors qu’il ne vieillit point, il est toujours nouveau. À le bien considérer, il est ancien, et dès lors comment peut-il être nouveau ? Quoi donc, mes frères, la vie éternelle a-t-elle commencé tout récemment ? La vie éternelle, c’est le Christ, et, comme Dieu, le Christ n’a point commencé ; car, « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ; voilà ce qui était en Dieu au commencement. Tout a été fait par lui, et sans lui rien n’a été fait[3] ». Si les choses faites var lui sont anciennes, que peut être celui qui les a faites ? Que peut-il être, sinon éternel et coéternel au Père ? Mais nous qui

  1. Mt. 24,35.37-40
  2. Ps. 149,1
  3. Jn. 1,1-3