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parole ». Loin de toi donc de croire que soient nues par le hasard ces créatures qui obéissent à la parole de Dieu dans tous leurs mouvements. Où il plaît à Dieu, c’est là que le feu luit, que se portent les nuées, que tombent la pluie, la neige et la grêle. Pourquoi la foudre s’en va-t-elle frapper les sommets des montagnes sans frapper un voleur ? Je ne puis répondre à cela que selon mes faibles lumières, et autant que Dieu me le permettra. Que de plus éclairés en comprennent davantage, en disent davantage, et fasse le Seigneur que vous en compreniez plus que je n’en dirai, sans orgueil toutefois et avec modération ! Tout ce que je puis dire à propos de cette difficulté, pourquoi Dieu frappe les montagnes sans frapper les voleurs, c’est qu’il attend peut-être la conversion de ces voleurs, et il frappe la montagne qui est sans crainte, afin de changer l’homme par la crainte. Toi-même, quelquefois pour corriger un enfant, tu frappes la terre pour l’épouvanter. Quelquefois néanmoins Dieu frappe l’homme quand il le juge convenable. Mais, me diras-tu, il frappe l’innocent et épargne le coupable. Ne t’en trouble point. Peu importe d’où vienne la mort, elle est bonne pour l’homme juste. Mais d’où saurais-tu ce que Dieu prépare de peines à ce scélérat, s’il ne se convertit ? N’aimeraient-ils pas mieux périr d’un coup de tonnerre, ces hommes qui s’entendront dire au dernier jour : « Allez au feu éternel[1] ? » L’important pour toi, c’est l’innocence. Est-ce un mal de mourir dans un naufrage, un bien de mourir de la fièvre ? De quelque manière que meure un homme, vois dans quel état il meurt, où il doit aller en mourant, et non par quelle porte il sort de la vie. Peu importe de quelle façon il nous faudra sortir du monde. Par quelle fin les martyrs ont-ils mérité de s’en aller ? Sont-ils morts de la fièvre, comme tant d’autres voudraient mourir ? Pour les uns c’est le glaive, pour d’autres c’est le feu, pour d’autres encore c’est la dent des bêtes qui leur a donné ta mort. Les bêtes ont dévoré les corps de ces martyrs, qui n’ont pas craint néanmoins que leurs corps périssent. Dieu, qui a compté les cheveux de notre tête[2], saura bien un jour réunir les corps de ses saints, quelque part qu’ils soient. Selon sa volonté, il délivra les trois enfants de la fournaise[3]. Abandonna-t-il pour cela les Macchabées dans les flammes[4] ? Il délivra les uns avec éclat, et couronna les autres en secret. Dieu sait donc ce qu’il fait. Pour toi, crains et sois bon. De quelque manière qu’il te veuille tirer d’ici-bas, qu’il te trouve prêt. Car tu n’es ici qu’un étranger[5], et non le possesseur de la maison. Cette maison t’a été louée ; oui, elle t’a été louée et non donnée, tu en sortiras en dépit de tes efforts : elle ne t’est point concédée avec cette condition que tu auras un temps assuré pour l’habiter. Que t’a dit le Seigneur ? Sois prêt, quand il me plaira de te dire Va-t’en ; je te fais sortir du logement temporaire de l’étranger, mais c’est pour t’assurer une demeure ; tu es un hôte sur la terre, sois en possession du ciel.
12. Sachons-le donc bien, tout ce qui nous arrive contre notre volonté, ne nous arrive que par la volonté de Dieu, par la sage disposition de la providence, par ses décrets, par ses lois ; et quand même nous ne pourrions comprendre pourquoi telle chose arrive, rendons au moins cet hommage à la providence, que rien n’arrive sans cause, et alors nous serons loin de tout blasphème. Quand nous commençons à raisonner sur les œuvres de Dieu, à dire : Pourquoi ceci ? pourquoi cela ? voici qui ne devrait pas être, voilà qui est mal ordonné ; où est donc la louange de Dieu ? Tu as perdu l’Alléluia. Considère toutes les créatures de manière à plaire à Dieu, et à louer le Créateur. Si tu entrais dans l’atelier d’un forgeron, tu n’oserais blâmer, ni soufflets, ni marteaux, ni enclumes ; mais un ignorant qui n’en connaît pas l’usage blâme tout ce qu’il rencontre. Qu’il ait, au contraire, non pas sans doute la science de l’ouvrier, mais le bon sens ordinaire, que dira-t-il en lui-même ? Ce n’est point sans motif que les soufflets sont placés ici, le forgeron en connaît la cause, bien que je l’ignore. Il n’osera donc rien blâmer dans l’échoppe d’un artisan, et il ose blâmer Dieu dans la création du monde. De même alors que « le feu, la grêle, la neige, la glace et l’esprit des tempêtes suivent la parole de Dieu » ; ainsi tout ce que de vains esprits attribueront au hasard dans la création, ne fait que la parole de Dieu, parce que rien n’existe que d’après son précepte.
13. Le Prophète exhorte ensuite à louer le Seigneur, « les montagnes et les collines, les

  1. Mt. 25,41
  2. Id. 10,30
  3. Dan. 3,24-93
  4. 2 Mac. 7
  5. Ps. 118,19