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ce qui a été prédit il y a tant de siècles, et ce qu’un seul a cru, nous le voyons accompli aujourd’hui. D’un côté nous lisons la promesse, de l’autre nous voyons l’accomplissement, et tu viens à la traverse résister à la vérité ? Que vas-tu dire ? Garde-toi de croire. De croire à qui ? À l’esprit de Dieu ? A Dieu qui parle à Abraham ? À qui croirai-je alors ? À toi ? Ce n’est point là ce que je dis, répondras-tu. Tu ne le dis point ? Comment, tu ne dis pas : Crois-en plutôt à moi qu’à l’Esprit. Saint, qu’à Dieu qui s’adresse à Abraham ? Que viens-tu me dire alors ? Tel a livré les livres saints, tel autre encore les a livrés. Est-ce un passage de l’Évangile que tu rapportes là, ou des Apôtres, ou des Prophètes ? Examine toutes les Écritures, et lis-moi cette parole, dans ceux en qui repose ma foi ; car je ne crois pas en toi. Où donc liras-tu cela ? C’est ce que m’a dit mon père, me répond-il, ce que m’a dit mon aïeul, mon frère, mon évêque. Mais voici la parole du Seigneur à Abraham : « Les nations seront bénies en celui qui naîtra de toi ». Un seul homme entendit cette parole et y crut, et après de longs siècles, elle s’accomplit dans des millions d’hommes. On croit à cette promesse, quand elle se fait, et on en doute quand elle s’accomplit ? Voilà donc ce qu’a dit Moïse ; donnons maintenant la parole aux Prophètes. Vois le prix de notre rédemption : le Christ suspendu à la croix. Considère le prix qu’il donne, et tu comprendras ce qu’il achète. Il veut faire un achat, et tu ne sais encore quel achat ; vois alors, vois la grandeur du prix, et tu comprendras l’importance de l’achat. Il répand tout son sang, c’est au prix de son sang qu’il achète, du sang de l’Agneau sans tache, du sang du Fils unique de Dieu. Que peut-on donc acheter au prix du sang du Fils unique de Dieu ? Encore une fois, considère à quel prix. Longtemps avant l’accomplissement, le Prophète a dit : « Ils ont percé mes « mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os ». Je vois la grandeur du prix, ô Christ, faites que je voie aussi ce que vous avez acheté : « Toutes les extrémités de la terre s’en souviendront, et se tourneront vers le Seigneur ». Dans le même psaume, je vois tout ensemble et l’acheteur, et le prix, et la possession. Cet acheteur c’est le Christ, le prix est son Sang, et la possession, l’univers entier. Écoutons les paroles du Prophète, qui contredisent les chicanes des hérétiques. Voilà ce que possède mon Dieu. Je lis son droit dans le psaume : « Ils en garderont la mémoire, et tous les confins de la terre se tourneront vers le Seigneur, toutes les familles de la terre se prosterneront en sa présence[1] ». L’Acheteur est donc le Christ, et non l’apostat Donat. « Ils l’adoreront ». Très-bien : « Toutes les familles de la terre se prosterneront en sa présence ». Pourquoi très bien ? « Parce que l’empire est au Seigneur, et il dominera sur toutes les nations ». Voilà ce qu’on lit dans Moïse, dans les Prophètes, et mille autres témoignages semblables. Qui pourrait compter les passages de l’Écriture au sujet de l’Église qui sera répandue dans toute la terre ? Qui les comptera ? Il y a moins d’hérésies contre l’Église, que la loi n’a de témoignages en sa faveur. Quelle page ne dit point son triomphe ? Quel verset ne l’a point consigné ? Tout parle de concert en faveur de cette unité, qui est au Seigneur, parce qu’il a mis la paix dans les confins de Jérusalem. Et c’est contre tout cela que tu viens aboyer, ô hérétique ? C’est avec raison que l’on applique à cette cité sainte ce mot consigné dans l’Apocalypse : « Loin d’ici les chiens[2] ». C’est contre tout cela que tu viens aboyer. Comme je le disais tout à l’heure, oses-tu bien condamner le monde entier ? Quel est ton tribunal, sinon la présomption de ton cœur ? Tribunal bien haut sans doute, mais ruineux. Voilà ce qu’a dit Moïse, ce qu’ont dit les Prophètes ; et des hommes qui veulent passer pour chrétiens ne le croient pas encore.
17. Le mauvais riche était dans les tourments de l’enfer, et l’ardeur des flammes lui fit désirer qu’une goutte d’eau tombât du doigt du pauvre qu’il avait autrefois méprisé à sa porte. Comme ce rafraîchissement lui était refusé, puisqu’on doit « juger sans miséricorde celui qui n’aura point fait miséricorde[3] », comme donc on le lui refusait « Père Abraham », s’écrie-t-il, « envoyez Lazare dans la maison de mon père, où j’ai cinq autres frères ; qu’il leur dise combien je souffre, afin qu’ils ne viennent point aussi dans ce lieu de tourments ». Que répond Abraham ? « Ils ont Moïse et les Prophètes ». Et celui-ci : « Mon père Abraham, mais si quelqu’un ressuscitait d’entre les morts, ils le croiraient ». Et Abraham :

  1. Ps. 21,17-18 ; 28,19
  2. Apoc. 22,15
  3. Jac. 2,13