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tout cela est terrestre, parce que nous ne le connaissons que par la terre. Ils n’ont donc pu comprendre cette intelligence qui est sans nombre. C’est pourquoi ils ont condamné les saintes Écritures qui couvrent les vérités de certains voiles, afin d’exercer utilement les humbles, et ce blâme les a jetés dans une indocilité opposée à la douceur, et ils ont été humiliés jusqu’à terre, en sorte qu’ils n’ont pu comprendre Dieu qui est incorporel, et que leurs pensées sur Dieu n’étaient rien moins que corporelles et grossières.
14. « Dieu donc abat les pécheurs jusqu’à terre ». Que nous faut-il faire dès lors, si nous ne voulons être humiliés jusqu’à terre ? li est difficile de s’élever aux choses qui sont purement d’intelligence, difficile d’arriver à ce qui est spirituel, difficile d’élever son cœur de manière à comprendre qu’il y a quelque chose qui ne s’étend point selon les lieux, ne varie point avec le temps. Quelle idée, en effet, se fera-t-on de la sagesse ? Quelle forme lui donner ? Une forme longue ? une forme carrée ? une forme ronde ? Est-elle tantôt ici, et tantôt là ? Un homme réfléchit sur la sagesse dans l’Orient, un autre dans l’Occident ; à un tel intervalle, elle est présente à chacun d’eux, s’ils se la représentent convenablement. Que dis-je ici ? Qui peut le comprendre ? Qui peut se faire une idée de cette nature immuable et en quelque sorte divine ? Ne te hâte point trop, tu pourras la comprendre. Écoute ce qui suit : « Commencez devant le Seigneur par la confession[1] ». C’est par là qu’il te faut commencer, si tu veux arriver à connaître parfaitement la vérité ; si tu veux arriver, par la foi à la claire vue, commence par la confession. Accuse-toi tout d’abord, et après cette accusation bénis le Seigneur. Invoque celui que tu ne connais point encore, qu’il vienne et se fasse connaître ; non point qu’il vienne lui-même sans doute, mais qu’il te conduise jusqu’à lui. Comment vient-il là d’où il ne se retire jamais ? Telle est, en effet, la sagesse parfaite, qu’elle est partout et loin des méchants. Oui, dis-je, elle est par tout, et néanmoins elle est loin des méchants qui sont partout. Mais je vous le demande, comment être éloignée de quelques-uns et néanmoins être partout ? Qu’est-ce que cet éloignement, sinon que les méchants ne ressemblent point à Dieu, et qu’ils effacent en eux-mêmes son image ? Ils se sont retirés de Dieu parce qu’ils ont perdu la ressemblance avec lui ; qu’ils se réforment afin de se rapprocher de lui. Comment nous réformer, diront-ils, et quand nous réformer ? « Commencez devant Dieu par la confession ». Et après cette confession ? Faites des bonnes œuvres. « Chantez à notre Dieu sur la harpe ». Qu’est-ce à dire, sur la harpe ? Je vous l’ai dit déjà chanter sur la harpe a le même sens que chanter un psaume sur le psaltérion ; c’est bénir le Seigneur non seulement de la voix, mais aussi par les œuvres. « Chantez à notre Dieu sur la harpe ».
15. Ainsi donc confessez vos fautes, faites des œuvres de miséricorde, voilà ce que veut dire : « Chantez des psaumes à notre Dieu ». Quel est votre Dieu ? « Celui qui couvre le ciel de nuages[2] ». Qu’est-ce à dire qu’il couvre le ciel de nuées ? Qui couvre ses Écritures de figures et de mystères. Celui qui abat les pécheurs jusqu’à terre, qui adopte les humbles, « couvre aussi le ciel de nuages ». Et comment voir le ciel que des nuages nous dérobent ? Loin de toi toute crainte, écoute ce qui suit : « Celui qui couvre le ciel de nuages, et qui prépare des pluies à la terre ». À cette parole : « Qui couvre le ciel de nuages », tu as été dans la stupeur, tu as craint de ne point voir le ciel ; mais quand la pluie sera venue, tu produiras des fruits, et tu verras le ciel serein. « C’est lui qui couvre le ciel de nuages, qui prépare à la terre des pluies ». Voilà ce qu’a fait le Seigneur notre Dieu. Si l’obscurité des saintes Écritures ne nous en fournissait l’occasion, nous ne vous dirions pas ces vérités qui vous réjouissent. C’est peut-être cette pluie qui vous réjouit. Notre langue n’aurait pu la répandre sur vous, si Dieu n’avait couvert le ciel des saintes Écritures de nuages figuratifs. Il couvre donc le ciel de nuages, afin de préparer la pluie à la terre. Il a voulu que les prophéties fussent obscures, afin qu’en les expliquant les serviteurs de Dieu eussent ainsi le moyen de les verser dans l’oreille et dans le cœur des hommes qui peuvent recevoir de ces nuées la surabondance des joies spirituelles, « C’est lui qui couvre le ciel de nuages, qui prépare à la terre des pluies ».
16. « C’est lui qui fait croître le foin sur les montagnes, et l’herbe pour l’usage des

  1. Ps. 146,7
  2. Ps. 146,8