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de l’Apôtre : « Dieu a signalé son amour envers nous, et quand nous étions encore dans le péché, le Christ est mort pour nous[1] ». C’est donc son Fils qu’il a envoyé pour nous racheter de notre captivité. Porte un sac avec toi, lui a-t-il dit, et mets-y le prix des captifs. Il a donc revêtu notre chair mortelle, où était le sang qu’il devait répandre pour nous racheter. Tel est le sang qui rassemble les enfants d’Israël qui sont dispersés. Or, si jadis il rassembla ceux qui étaient dispersés, combien faut-il s’appliquer à rassembler ceux qui le sont aujourd’hui ? Si les dispersés d’autrefois furent rassemblés afin que la main de l’Architecte les taillât de manière à les faire entrer dans l’édifice, comment aujourd’hui faut-il rassembler ceux que leur agitation a fait tomber des mains de l’architecte ? « C’est le Seigneur qui bâtit Jérusalem ». Tel est le Dieu que nous louons, et que nous devons louer pendant toute notre vie : « Le Seigneur qui bâtit Jérusalem, et qui rassemble ceux d’Israël qui sont dispersés ».
5. Comment les rassembler ? Que fait-il pour cela ? « C’est lui qui guérit ceux dont le cœur est brisé[2] ». C’est ainsi que l’on rassemble ceux d’Israël qui sont dispersés, afin de guérir ceux dont le cœur est brisé. Ceux dont le cœur n’est point brisé, ne sont point guéris. Qu’est-ce alors que briser son cœur ? Je vous le dirai, mes frères, afin que vous puissiez être guéris. Cette expression se trouve en beaucoup d’endroits dans l’Écriture, et principalement dans celui où le Psalmiste disait en notre nom : « Si vous aviez voulu un sacrifice, je vous l’eusse donné assurément mais les holocaustes ne vous sont point agréables ». Quoi donc ? Nous faudra-t-il demeurer sans sacrifice ? Entends celui que Dieu veut qu’on lui offre. Le Prophète continue en disant : « Le sacrifice agréable à Dieu est une âme affligée, le Seigneur ne dédaignera point un cœur brisé et humilié[3]. Il guérit donc les cœurs brisés » : parce qu’il s’approche d’eux pour les guérir ; comme il est dit ailleurs : « Le Seigneur est proche de ceux qui ont brisé leur cœur[4] ». Quels cœurs sont brisés ? Les cœurs humbles, Quels cœurs ne le sont point ? Les orgueilleux. Uni cœur brisé sera guéri, un cœur élevé sera brisé. Car il n’est brisé sans doute, que pour être guéri ensuite. Que notre cœur donc, mes frères, ne s’élève point avant d’être droit. On s’élève pour sa perte, quand on ne s’est point redressé tout d’abord.
6. « Il guérit ceux dont le cœur est brisé, il bande leurs plaies ». Dieu donc guérit ceux dont le cœur est brisé, et dès lors il guérit ceux qui s’humilient, ceux qui confessent leurs fautes, ceux qui se punissent eux-mêmes, ceux qui exercent contre eux-mêmes un jugement sévère, afin de sentir ensuite sa miséricorde. Voilà ceux que Dieu guérit, mais leur guérison sera parfaite seulement quand cette mortalité sera passée, quand ce corps corruptible sera revêtu d’incorruption, ce corps mortel, d’immortalité[5] ; quand la chair souillée n’aura plus pour nous aucune sollicitation, non seulement quand nous n’y succomberons plus, mais quand elle n’aura pires même aucune suggestion. Maintenant en effet, mes frères, combien d’attraits coupables pour notre âme ! Sans doute nous y résistons, et nos membres obéissent à la justice et non à l’iniquité ; et toutefois le plaisir que nous causent ces sollicitations, bien qu’il n’y ait aucun consentement, est loin de la santé parfaite. Tu seras donc guéri, oui, tu seras guéri si ton cœur est brisé. Ne rougis plus de briser ton cœur ; ceux-là, Dieu les guérit. Mais que puis-je faire maintenant, diras-tu ? « Selon l’homme intérieur, en effet, je trouve du plaisir dans la loi de Dieu ; mais je sens dans mes membres une autre loi qui combat contre la loi de mon esprit, et qui me tient captif sous la loi du péché ». Que faire ? dis-tu. Brise ton cœur, confesse tes fautes, et dis avec l’Apôtre : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort ? » afin qu’il te soit répondu : « La grâce de Dieu, par Jésus-Christ Notre-Seigneur[6] ». Comment nous délivrera cette grâce dont nous avons reçu maintenant les arrhes ? Écoute le même Apôtre : « Le corps est mort sans doute à cause du péché, mais l’esprit est vie à cause de la justice. Si donc l’esprit de celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts rendra aussi la vie à vos corps mortels, à cause de sou esprit qui habite en vous[7] ». Telles sont donc les arrhes qu’a reçues notre esprit, afin que nous commencions par la foi à servir

  1. Rom. 5,8
  2. Ps. 146,3
  3. Id. 50,18-19
  4. Id. 33,19
  5. 1Co. 15,53-54
  6. Rom. 7,22-25
  7. Id. 8,10-11