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impuissant à donner ce que l’on attend de lui. Nous devons donc louer le Seigneur en nous proposant quelque récompense, bien qu’il ne nous accorde pas toujours ce que nous désirons. Il est père, en effet, et ne donne point à des méchants fils ce qu’ils désirent. Bénissons-le donc, avec espérance et même avec désir, non point de telle ou telle faveur, mais de celle que juge à propos de nous accorder Celui que nous louons. Et il sait ce qui nous convient, c’est à nous d’attendre ce qui nous est utile. L’Apôtre l’a dit : « Nous ne savons ce qu’il convient de demander[1] ». Et le même saint Paul croyait qu’il lui serait avantageux d’être délivré de l’aiguillon de la chair, de cet ange de Satan qui le souffletait, selon ses aveux, et il dit : « Trois fois j’ai prié le Seigneur de m’en délivrer, et il m’a dit : « Ma grâce te suffit, car la vertu se perfectionne dans la faiblesse[2] ». Il désirait donc une faveur, que Dieu ne lui accorda point à sa volonté, afin de lui procurer la sainteté. Qu’est-ce donc que l’on nous propose ici ? « Louez le Seigneur », dit le Prophète. Pourquoi louer le Seigneur ? Parce qu’il est bon de lui chanter des hymnes. Ces hymnes sont la louange du Seigneur. C’est dire alors : Louez le Seigneur, parce qu’il est bon de le louer. Ne passons point légèrement sur cette parole : Louez le Seigneur. Elle est dite, et la voilà passée ; c’est fini, et nous rentrons dans le silence ; après avoir loué Dieu, nous nous sommes tus ; après le chant, le repos. Nous passons à ce qui nous reste à faire, et quand il se présente une autre occupation, cesserons-nous pour cela de louer Dieu ? Point du tout ; si la louange n’est qu’un moment sur ta langue, elle doit être continuellement dans ta vie. De là cette excellence du psaume.
2. Le psaume est un chant, non pas un chant quelconque, mais un chant sur le psaltérion. Or, le psaltérion est un instrument de musique, du genre de la lyre, de la harpe et d’autres semblables. Chanter le psaume n’est donc pas seulement chanter de la voix, mais unir la main à la voix sur l’instrument que l’on appelle psaltérion. Veux-tu donc chanter un psaume ? Non seulement que ta voix fasse retentir les louanges de Dieu mais que tes œuvres soient d’accord avec ta voix. Si tu ne chantes que de la voix, il y aura des silences, mais que ta vie soit une mélodie sans silences Tu es en affaires, et tu médites la ruse ; voilà un silence dans la louange de Dieu : et ce qui est plus grave, non seulement tu cesses de louer Dieu, mais tu tombes dans le blasphème. Quand on loue Dieu à cause du bien que tu fais, c’est ta bonne œuvre qui est une louange pour Dieu ; mais quand on blasphème Dieu à cause de tes œuvres, tes œuvres sont un blasphème. Que ta voix dès lors se fasse entendre pour stimuler l’oreille, mais que ton cœur ne se taise point, que ta voix ne soit jamais silencieuse. Ne méditer aucun tort dans les affaires, c’est chanter à Dieu. Quand tu manges, quand tu bois, chante, non point en flattant les oreilles par de suaves mélodies, mais en buvant, en mangeant avec sobriété, avec tempérance. Car voici ce que dit l’Apôtre : « Soit que vous buviez, soit que vous mangiez, soit que vous fassiez toute autre chose ; faites tout pour la gloire de Dieu[3] ». Si donc tu fais bien de manger et de boire, pour soutenir ton corps et réparer tes forces, en rendant grâces à celui qui soutient ainsi la faiblesse d’un mortel ; boire et manger sont pour toi louer Dieu. Mais si une avide intempérance te pousse au-delà des bornes prescrites par la nature, si tu vas jusqu’à te gorger de vin, boire et manger sont pour toi un blasphème. Après avoir bu et mangé, tu cherches le repos et le sommeil ; que ta couche n’accuse rien de honteux, rien de ce qui dépasse les bornes tracées par Dieu ; sois chaste même avec ton Épouse, et si tu veux en avoir des enfants, n’obéis point à une luxure effrénée. Jusque dans ton lit, respecte une Épouse ; puisque tous deux vous êtes membres du Christ, tous deux créés parle Christ, et rachetés par le sang du Christ. Agir ainsi, c’est louer Dieu, et rien dès lors n’interrompt ta louange. Mais quand viendra le sommeil ? Même pendant le sommeil, qu’une – conscience coupable ne te réveille point ; un sommeil innocent loue aussi le Seigneur Si donc tu bénis Dieu, chante non seulement de la langue, mais prends aussi le psaltérion des bonnes œuvres ; parce que ce psaltérion est bon. C’est donc louer Dieu que travailler à ses affaires, louer Dieu que boire et manger, louer Dieu que prendre son repas, louer Dieu que dormir ; quand cesse-t-on de louer Dieu ? Cette louange sera parfaite quand nous arriverons à la

  1. Rom. 8,26
  2. 2 Cor. 12,7-9
  3. 1 Cor. 10,31