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mais ne vois-tu pas ce que Dieu leur réserve ? Et comment voir ce qui est invisible, me diras-tu ? La foi a des yeux, mes frères, et des yeux plus grands, plus perçants, plus durables que les yeux du corps. Ces yeux n’ont trompé personne ; ah ! que ces yeux soient toujours vers le Seigneur, afin qu’il dégage tes pieds de toute embûche[1]. La voie des pécheurs te plaît, parce qu’elle est large, et que beaucoup y sont entrés ; tu en vois la largeur, mais non la fin. Cette fin, c’est un précipice ; cette fin est un gouffre sans fond ; et ceux qui marchent à l’aise et avec allégresse dans cette voie large sont plongés dans l’abîme. Mais tes yeux ne sont point assez perçants pour voir cette fin malheureuse : crois-en dès lors celui qui la voit. Et quel homme la voit donc ? Nul homme, sans doute ; mais le Seigneur est descendu pour te faire croire à Dieu. Or, voudrais-tu n’en pas croire le Seigneur ton Dieu, qui te dit : « Elle est large et spacieuse, la voie qui conduit à la perdition, et beaucoup y entrent par elle[2] ? » Telle est la voie que doit confondre le Seigneur, parce qu’elle est la voie des impies.
20. Et quand cette voie sera à sa fin que nous restera-t-il ? « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde[3] ». C’est par là que termine le Psalmiste : « Il confondra la voie des pécheurs ». Et toi ? « Le Seigneur régnera éternellement[4] » ; réjouis-toi, parce qu’il régnera pour toi. Réjouis-toi, parce que tu seras son royaume. Vois en effet ce qui suit. Tu es certainement citoyen de Sion, et non de Babylone, ou de la cité de ce monde qui doit périr ; mais tu appartiens à cette Sion affligée, étrangère pour un temps, et qui doit régner dans l’éternité. C’est donc de toi qu’il est question dans cette fin. « Le Seigneur régnera éternellement, ce Seigneur qui est ton Dieu, ô Sion ». Ton Dieu donc, ô Sion, doit régner éternellement ; mais ton Dieu régnerait-il sans toi ? « Et de génération en génération ». Le Prophète nomme deux générations, parce qu’il ne pouvait les nommer toutes. Mais la fin des paroles ne peut mettre la fin de l’éternité. L’éternité n’a que quatre syllabes, mais en soi-même elle est sans fin. On ne saurait t’en parler qu’en disant : « Ton Dieu régnera de génération en génération ». C’est dire peu ; et si on le disait tout un jour, ce serait peu encore ; et si on le répétait toute sa vie, ne cesserait-on pas enfin de le dire ? Aime l’éternité, ô mon frère : tu régneras sans fin, si tu n’as d’autre fin que le Christ ; avec lui tu régneras dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il !

  1. Ps. 24,15
  2. Mt. 7,13
  3. Id. 25,31
  4. Ps. 145,10