Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/257

Cette page n’a pas encore été corrigée

les princes ? Que faire ? « Bienheureux celui dont le Dieu de Jacob est le soutien[1] ». Heureux donc, non pas tel ou tel homme, non pas tel ou tel ange, mais celui qui a pour soutien le Dieu de Jacob : parce qu’il soutint Jacob au point d’en faire Israël. Secours éclatant ! car Israël voit Dieu. Donc au milieu du pèlerinage de cette vie, si tu as pour soutien le Dieu de Jacob, tu deviendras Israël et tu seras le voyant de Dieu ; alors il n’aura plus ni labeur, ni gémissement, aux cuisantes inquiétudes succéderont les saintes louanges. « Bienheureux celui qui a pour soutien le Dieu de Jacob », et de ce même Jacob. Pourquoi ce bonheur ? Il gémit quelque temps encore ici-bas ; mais « son espérance est dans le Seigneur son Dieu ». Celui en qui est maintenant son espérance, sera un jour pour lui son bien. Est-ce me tromper, mes frères, que dire que Dieu sera un jour notre bien ? Ne pourrais-je pas dire qu’il sera notre héritage ? « Vous êtes mon espérance, ma portion dans la terre des vivants[2] ». Vous serez donc mon partage, Seigneur ; vous serez ma possession, et vous ne posséderez. Tu seras, ô mon frère, la possession de Dieu, et Dieu sera la tienne. Tu semas sa portion, afin qu’il te cultive, et il sera la portion pour le cultiver. Tu cultives le Seigneur en effet, et il daigne te cultiver. Je rends mon culte à Dieu, disons-nous, et l’on nous comprend. Mais comment Dieu peut-il ne cultiver ? Nous lisons dans l’Apôtre : « Vous êtes le champ que Dieu cultive, l’édifice qu’il bâtit[3] ». Et le Seigneur : « Je suis la vigne, vous êtes les sarments, et mon Père est le vigneron[4] ». Le Seigneur donc te cultive pour te faire porter du fruit, et tu offres ton culte à Dieu, pour porter aussi du fruit. Que Dieu te cultive, c’est un avantage pour toi, et que tu offres ton culte à Dieu, c’est encore un avantage. Que Dieu cesse de cultiver l’homme, et l’homme est un champ stérile ; que l’homme cesse de cultiver Dieu, c’est encore l’homme qui est désert. Dieu ne tire aucun accroissement de ton culte, ne perd rien de ton abandon. Il sera donc notre possession, afin de nous alimenter ; et nous serons son héritage, afin qu’il nous gouverne.
12. « Son espérance est dans le Seigneur son Dieu ». Qu’est-ce que ce Seigneur son Dieu ? Écoutez, mes frères. Il en est beaucoup qui ont plusieurs dieux, et qu’ils appellent leurs maîtres, leurs dieux. Mais, dit l’Apôtre, « Bien qu’il y en ait beaucoup que l’on nomme dieux, soit dans le ciel, soit sur la terre, et qu’il y ait ainsi plusieurs dieux et plusieurs seigneurs, néanmoins il n’y a pour nous qu’un seul Dieu, le Père, d’où procèdent toutes choses, et un seul Seigneur, qui est Jésus-Christ, par qui tout a été fait[5] ». Que Dieu donc soit ton espérance, qu’il soit ton Dieu, que ton espoir soit en lui. Il a mis également sa confiance dans son Seigneur et son Dieu, celui qui adore Saturne ; il a mis son espoir dans son Seigneur et son Dieu, celui qui adore Mars, ou Neptune, ou Mercure ; que dis-je ? qui adore son ventre, et dont il est dit : « Leur dieu c’est le ventre[6] ». Tel est donc le dieu de l’un et tel le dieu de l’autre. Mais quel est le Dieu de celui que le Prophète appelle heureux ? « Celui qui a fait le ciel et la terre et e tout ce qui est en eux[7] ». Notre Dieu est grand, mes frères ! Gloire à son saint nom, puisqu’il a daigné faire de nous son héritage. Tu ne vois pas encore le Seigneur, et tu ne saurais aimer pleinement ce que tu ne saurais voir encore. Tout ce que tu vois est son ouvrage. Tu admires le monde, et pourquoi point le Créateur du monde ? Tu vois le ciel, et tu es dans l’effroi ; tu considères la terre, et tu es dans la stupeur ; comment embrasser par la pensée l’étendue des mers ? Considère ces étoiles innombrables ; considère ces germes si nombreux, ces animaux si divers, et ceux qui nagent dans les eaux et ceux qui rampent sur la terre, et ceux qui volent dans les airs, et ceux qui marquent leur passage dans les cieux, combien tout cela est grand, est admirable, est surprenant de beauté ! Et voilà qu’il est ton Dieu, celui qui a fait tout cela. Mets en lui ton espérance, afin d’être heureux. « Son espérance est dans le Seigneur son Dieu ». Quel Dieu ? « Celui qui a fait le ciel et la terre, et tout ce qu’ils renferment ». Combien notre Dieu est grand !
13. Voyez, mes frères, combien est grand, combien est bon le Dieu qui fait de si grandes choses. Quelle a donc été la pensée de Dieu, (si toutefois l’on peut dire de Dieu qu’il a pensé) quand « il a fait le ciel et la terre, et tout ce qui est en eux ? » Tout cela est grand

  1. Ps. 145,5
  2. Id. 141,6
  3. 1 Cor. 3,9
  4. Jn. 15,1-5
  5. 1 Cor. 8,5-6
  6. Phil. 3,19
  7. Ps. 145,6