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esprit, et ils seront créés ; vous renouvellerez la face de la terre[1] », Si donc quelqu’un est à Jésus-Christ, c’est une nouvelle créature : le passé n’est plus[2]. C’est leur esprit vieilli qui n’est plus, et c’est votre esprit qui a tout renouvelé.
13. « Ne détournez point de moi votre face ». Vous l’avez détournée de mon orgueil, car autrefois j’étais dans l’abondance et je m’élevais. « Pour moi », j’ai dit un jour, dans mon abondance : « Je ne serai jamais ébranlé ». Je disais donc : Jamais je ne serai ébranlé, j’ignorais votre justice, et j’établissais la mienne ; mais « c’est votre bonté, Seigneur, qui m’a consolidé dans mon état florissant ». J’ai dit, dans mon abondance : « Jamais je ne serai ébranlé » ; mais c’est de vous que me venait toute cette abondance, et pour me montrer qu’elle me venait de votre bonté, « vous avez détourné de moi votre face, et je suis tombé dans le trouble[3] ». Après ce trouble où je suis tombé quand vous avez détourné votre face, après cet ennui de l’esprit, ce trouble du cœur que j’ai ressenti parce que vous avez détourné de moi votre face, voilà que j’ai été devant vous comme une terre sans eau : « Ne détournez point de moi votre face ». Vous l’avez détournée de mon orgueil, daignez la rendre à mon humilité. « Ne détournez pas de moi votre face », si vous la détournez « je serai semblable à ceux qui descendent dans l’abîme. Qu’est-ce à dire, ceux qui descendent dans l’abîme ? Quand l’impie est descendu dans les profondeurs du mal, il méprise[4]. Ceux-là descendent dans l’abîme, qui perdent tout aveu ; c’est contre ce malheur que le Prophète dit au Seigneur : « Que le gouffre ne referme pas sa bouche sur moi[5] ». Telles sont les profondeurs que l’Écriture appelle souvent l’abîme, et quand le pécheur y est tombé, il n’a plus que le mépris. Qu’est-ce à dire, le mépris ? Il ne reconnaît plus aucune Providence, ou s’il en reconnaît une, il ne croit point en être l’objet. Sans espérance de pardon, il donne libre carrière à ses passions coupables et ne recule devant aucun péché. Il ne dit point : Je retournerai à Dieu, afin qu’il revienne à moi ; il ne comprend point cette parole : « Convertissez-vous à moi et je reviendrai à vous[6] », parce que dans ces profondeurs il n’a plus que le dédain. « Car », dit le sage, « un mort ne confesse pas le Seigneur non plus que s’il n’était pas[7] ». Ne détournez donc point de moi votre face, autrement je serai semblable à ceux qui descendent dans l’abîme ».
14. « Faites-moi entendre dès le matin votre miséricorde, parce que j’ai espéré en vous[8] ». Je sais que je suis dans la nuit, mais j’espère en vous jusqu’à ce que l’iniquité des ténèbres soit passée[9]. « Nous avons en effet », comme le dit saint Pierre, « une preuve plus certaine chez les Prophètes, sur qui vous ferez bien d’arrêter les yeux comme sur un flambeau qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour commence à paraître et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs[10] ». Il donne alors le nom de matin à ce jour qui doit suivre la fin du monde, et qui nous montrera ce que nous aurons cru en cette vie. « Au matin vous entendrez ma voix, au matin je me tiendrai devant vous pour vous contempler[11] ». Faites-moi comprendre au matin votre miséricorde, parce que j’ai espéré en vous. Car « si nous ne voyons point ce que nous espérons, nous l’attendons par la patience ». La nuit a besoin de patience, le jour nous donnera la joie. « Faites-moi entendre au matin votre miséricorde, parce que mon espoir est en vous »[12].
15. Mais que faire ici-bas, en attendant que le matin vienne ? Il ne suffit pas, en effet, d’espérer, nous avons une œuvre à faire. Pourquoi une œuvre à faire ? C’est qu’il est dit dans un autre psaume : « J’ai recherché Dieu au jour de ma tribulation[13] » ; comme j’ai recherché Dieu dans le temps de ma nuit. Comment l’avez-vous cherché, ô Prophète ? « De mes mains, la nuit, en sa présence, et je n’ai pas été trompé ». Qu’est-ce à dire de mes « mains ? » Par de bonnes œuvres. « En sa présence » : « En faisant l’aumône, garde-toi de sonner de la trompette, et ton Père qui voit dans le secret, te récompensera[14] ». Comme donc il nous faut espérer le matin, et supporter ainsi la nuit d’ici-bas, et persévérer dans la patience jusqu’à l’arrivée du jour, que devons-nous faire jusque-là ? Ne feras-tu point quelque chose sur toi-même, pour mériter d’arriver au matin ? « Seigneur, faites-moi connaître

  1. Ps. 103,30
  2. 2 Cor. 5,17
  3. Ps. 29,7-8
  4. Prov. 18,3
  5. Ps. 68,16
  6. Mal. 3,7
  7. Sir. 17,26
  8. Ps. 142,8
  9. Id. 56,2
  10. 2 Pi. 1,19
  11. Ps. 5,4-5
  12. Rom. 8,25
  13. Ps. 76,3
  14. Mt. 6,2-4