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10. « Je considérais à droite, et je voyais[1] ». Il voyait, parce qu’il regardait à droite ; c’est s’aveugler, que regarder à gauche. Qu’est-ce à dire : considérer à droite ? Où seront ceux à qui l’on dira : « Venez, bénis de mon Père, et possédez le royaume[2] ? » Mais ils seront à gauche, ceux à qui l’ami dira : « Allez au feu éternel, préparé au diable et à ses anges[3] ». Au milieu du monde menaçant et frémissant de rage, au milieu des persécutions, des outrages se multipliant à chaque pas, au milieu des terreurs, le Prophète méprisait le présent, envisageait l’avenir, et considérait à droite où il doit être un jour ; c’est là qu’il était par la pensée, là qu’il regardait, là qu’il voyait, et dès lors, tout lui était supportable ; mais ses persécuteurs ne voyaient point. Aussi, après avoir dit : « Je considérais à droite, et je voyais », il ajoute aussitôt : « Et nul ne me connaissait ». Quand nous endurons tout, qui connaît notre dessein, et si nous regardons à droite ou à gauche ? Chercher dans tes souffrances l’applaudissement des hommes, c’est regarder à gauche ; mais dans tes souffrances, chercher les promesses de Dieu, c’est regarder à droite ; mais regarder à droite, c’est voir, comme regarder à gauche, c’est demeurer aveugle ; et encore, regarder à droite, c’est n’être connu de personne. Qui te consolera en effet, sinon ce Seigneur à qui tu as dit : « Et vous avez connu mes sentiers ! Mais nul ne me connaissait ? »
11. « La fuite m’est fermée ». Il se regarde comme environné de toutes parts. « La fuite m’est fermée ». Que ses persécuteurs disent avec outrage : Le voilà accablé, le voilà pris, enfermé, vaincu, sa fuite n’est plus possible. La fuite est fermée à l’homme qui ne fuit point. Mais celui qui ne fuit point, endure tout ce qu’il peut pour le Christ : c’est-à-dire que son âme ne connaît point la fuite ; car le corps peut fuir ; on nous l’accorde, on nous le permet, d’après cette parole du Sauveur : « S’ils vous poursuivent dans une ville, fuyez dans une autre[4] ». Mais la fuite est fermée à l’homme dont le cœur ne fuit pas. Or, il importe de savoir pourquoi il ne fuit pas, si c’est parce qu’il est environné, ou parce qu’il est pris, ou parce qu’il est courageux ; car la fuite est fermée au captif, comme elle est fermée à l’homme vaillant. Quelle fuite alors nous faut-il éviter ? Quelle fuite nous est fermée ? Celle dont le Seigneur a dit dans l’Évangile : « Que le bon pasteur donne sa vie us pour ses brebis ; mais que le mercenaire et celui qui n’est point pasteur s’enfuit quand il voit venir le loup ? » Pourquoi fuir quand vient le voleur ? « Parce qu’il se met peu en peine des brebis[5] ». Cette fuite était fermée à notre interlocuteur, soit que nous l’entendions de Jésus-Christ Notre-Seigneur, notre chef qui est mort pour tous, soit de nos martyrs qui sont ses membres, et qui, eux aussi, sont morts pour leurs frères. Écoutez ce mot de saint Jean : « De même qu’il a donné sa vie pour nous, et nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères[6] ». Mais quand ils donnent leur vie, le Christ la donne aussi, puisqu’il s’écrie quand on les persécute : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter[7] ? » « La fuite m’est fermée, et nul ne recherche mon âme ». Il n’est donc personne pour en vouloir à sa vie ? Comment, il voit les hommes qui ont conjuré sa mort, qui veulent répandre son sang, et il n’est personne qui recherche son âme ? Cette parole peut avoir deux sens ; de même que la fuite est fermée en deux manières, puisque ni le captif, ni l’homme vaillant ne fuient point ; de même des persécuteurs ou des amis peuvent chercher la vie d’un homme. Ainsi donc « nul ne recherche son âme », signifie ici ils persécutent mon âme, mais ils ne la recherchent point. S’ils cherchaient mon âme, ils la trouveraient attachée à vous ; et s’ils savaient la chercher, ils sauraient l’imiter ; et pour que vous sachiez encore que des persécuteurs peuvent chercher l’âme d’un homme, il est dit ailleurs : « Qu’ils soient couverts de honte et d’ignominie, ceux qui recherchent mon âme[8] ».
12. « J’ai crié vers vous, Seigneur ; j’ai dit : Vous êtes mon espérance[9] ». Au milieu de mes douleurs et de mes tribulations, j’ai dit : « Vous êtes mon espérance ». Ici-bas vous êtes mon espérance, et c’est ce qui me donne la patience. « Vous êtes mon partage », non point ici-bas ; mais « dans la terre des vivants ». Dieu donne une portion dans la terre des vivants ; mais cette portion n’est point en dehors de lui. Que donnerait-il à celui qui l’aime, si ce n’est lui ?
13. « Soyez attentif à ma prière, parce que

  1. Ps. 141,5
  2. Mt. 25,34
  3. Id. 41
  4. Id. 10,23
  5. Jn. 10,11-13
  6. Jn. 3,16
  7. Act. 9,4
  8. Ps. 39,15
  9. Id. 141,6