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Et que signifie : « Nous gémissons en nous-mêmes, attendant l’adoption, qui sera la rédemption de notre corps[1] ? » Il passera donc de la mortalité à l’immortalité, et alors il n’y aura plus de combat, la mortalité n’opposant plus de résistance. Dès lors châtie ton corps, réduis en servitude cette chair que tu recevras ensuite ; qu’elle soit maintenant en défaillance, afin de subsister alors. Elle ne peut être complètement réparée ici-bas, tant que nous portons un corps mortel. Que son poids ne te courbe point, ne te brise point : porte-la, châtie-la, corrige-la : elle sera rétablie au dernier jour. « Et parce que nul n’a jamais haï sa chair, ta chair ressuscitera. Mais comment ? Sera-ce pour lutter encore[2] ? « Il faut », dit l’Apôtre, « que ce corps corruptible soit revêtu de l’incorruption, et que ce corps mortel soit revêtu d’immortalité[3] ».
17. Quand donc on nous dit : « Il me reprendra, il me corrigera », que ce juste soit ton frère, qu’il soit ton prochain, qu’il soit ton voisin, qu’il soit toi-même, c’est dans la miséricorde qu’il faut te reprendre et te corriger. « Le parfum du pécheur n’oindra pas ma tête ». Que dois-je faire, me diras-tu ? Je suis en butte à des flatteurs, qui m’assiègent constamment de leurs caresses, qui louent en moi ce qui me déplaît, qui élèvent en moi ce que je blâme, qui blâment en moi ce qui m’est cher ; des adulateurs, des trompeurs, des séducteurs. C’est un grand homme, disent-ils, que Gaïus Seius, par exemple ; c’est un grand homme, un savant, un homme sage, mais pourquoi est-il chrétien ? Il a de la science, il est lettré, il est sage. S’il est très sage, approuve-le d’être chrétien. S’il est savant, il a bien choisi. Dans cet homme que tu loues, ce qui est blâmable à tes yeux, c’est ce qui plaît aux siens. Que faire alors ? Que ces louanges ne t’amollissent point, c’est le parfum du pécheur. Mais il ne cesse de se répéter. Qu’il n’en oigne tas ta tête, c’est-à-dire que ces louanges ne te causent point de joie, n’y mets aucune complaisance, aucun assentiment, aucun bonheur ; ce pécheur apporte le parfum de la flatterie, mais ta tête n’en a pas été touchée, elle résiste à toute élévation, à toute enflure. Qu’il y ait orgueil ou enflure, cela forme un poids, et te renverse. « L’huile du pécheur n’oindra point ma tête ».
18. « Encore un peu, et ma prière subsistera dans ce qui leur fait plaisir ». Attends, dit le Christ ; c’est maintenant qu’ils me blâment. Dans les premiers temps du Christianisme, tout était blâmé chez les chrétiens. « Attends encore, et ma prière bientôt leur fera plaisir ». Le temps viendra où ces milliers d’hommes qui se frappent la poitrine auront enfin le dessus, eux qui disent : « Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons à ceux qui nous doivent[4] ». Quel est le nombre de ceux qui rougissent de frapper leur poitrine ? Qu’ils nous blâment, supportons-les. Qu’ils nous blâment qu’ils nous haïssent, qu’ils nous accusent, qu’ils nous calomnient : « Bientôt notre prière leur fera plaisir » ; le temps viendra que nos prières feront leurs délices. Qu’ils s’élèvent dans leur propre force, comme s’ils étaient justes, ils succomberont dans la lutte : ils seront brisés parce qu’ils se seront élevés avec orgueil ; entraînés par leurs péchés, ils se reconnaîtront injustes, et alors s’accomplira ce qu’ont prédit les Prophètes : ils craindront le jugement, le regard de l’âme se fixera sur une conscience coupable, et ils prendront goût à cette prière : « Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons à ceux qui nous doivent ». Aveugles discoureurs, qui défendez vos péchés ! voilà ce que disent aujourd’hui les peuples, et l’on entend sans cesse le brait des poitrines que l’on meurtrit. Le tonnerre se fait entendre dans ces nuées qu’habite le Seigneur. Où sont vos verbiages ? où est cette jactance : Je suis juste, je n’ai fait aucun mal ? Après avoir considéré dans les saintes Écritures les règles de la justice, quelle que soit ta piété, tu trouveras toujours en toi le péché. Tu as fait des progrès, tu adores un seul Dieu, c’est bien ; tu ne l’abandonnes point pour recourir aux idoles, aux devins, aux sortilèges, aux aruspices, aux augures, aux maléfices : ce qui est une fornication à l’égard de Dieu ; tu fais nombre déjà parmi les membres du Christ, jette donc les yeux sur les péchés qui se commettent parmi les hommes, Tu ne commets ni homicide, ni adultère avec la femme de ton voisin, tu ne fais aucune injure à ton Épouse en faveur d’une autre femme, tu n’es souillé d’aucune débauche, ta main s’abstient de tout larcin, ta langue

  1. Rom. 8,23
  2. Eph. 5,29
  3. 1 Cor. 15,53
  4. Mt. 6,12