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Dieu. C’est elle qui pèche, lorsque tu pèches toi-même ? Oui, répond-il, parce que je suis mêlé à elle. Mais qu’a donc craint Dieu qui t’a mêlé à elle ? Car ils disent que cette race ténébreuse se révolta contre Dieu avant la création du monde, et que Dieu, craignant que son royaume ne fût renversé par les chocs impétueux de cette race ennemie, envoya chez elles ses membres, sa substance, ce qu’il est en un mot ; s’il est de l’or, ce fut de l’or qu’il envoya ; s’il est lumière, ce fut la lumière, enfin il envoya ce qu’il est, le mêla dans les entrailles de ce peuple ténébreux, disent-ils, et en fabriqua ainsi le monde. Et nous, disent-ils, qui sommes des âmes, nous sommes faits des membres de Dieu ; mais nous sommes resserrés ici-bas dans les entrailles de ce peuple ténébreux, et toutes les fautes que l’on nous attribue sont les péchés de ce peuple. Ils paraissent en effet se laver du péché ; mais ils ne sauraient excuser ni leur Dieu de toute crainte, ni la substance même de leur Dieu de la souillure corruptible. Car si Dieu est incorruptible, s’il est immuable, s’il est au-dessus de tout changement et de toute souillure, enfin s’il est impénétrable, que peut lui faire ce peuple ténébreux ? Quelle que soit l’impétuosité de ses efforts, comment porter l’effroi chez celui qui est impénétrable, inviolable, supérieur à toute souillure, à tout changement, à toute corruption ? Si Dieu est tel que nous le disons, il est cruel, en vous jetant là, bien que vous soyez impuissants à lui nuire. Pourquoi vous y jeter ? Voilà que cette nation ténébreuse était dans l’impuissance de lui nuire en aucune façon ; et lui vous fait un tort très grave, il vous a été plus hostile que cette nation, qui pouvait, il est vrai, vous nuire à son tour. Vous avez pu être tourmentés, pu être esclaves, pu être souillés, pu être corrompus ; donc Dieu l’a pu aussi. Un morceau en quelque sorte, une faible portion de sa nature pu vaincre la masse entière. Car ce qu’il a jeté là, et ce qui est demeuré sont de même qualité ; ils l’avouent eux-mêmes ; ils reconnaissent deux substances, une substance d’une part, et une substance d’autre part. C’est ce que disent leurs livres ; s’ils le nient, on le peut lire et les convaincre.
11. Quoi donc ? pour ne rien dire de plus, mes frères, pour ne pas entrer plus avant dans ces doctrines impies et criminelles voyez dans ce commencement même sur quel terrain ils se placent pour combattre. Voyez comme ils sont terrassés, et en disant que la race ténébreuse s’est heurtée contre Dieu, eux-mêmes sont pris dans le choc de leurs paroles. Car ils n’ont aucun moyen de répliquer ou d’échapper. Mais, ô détestable, ô faux élu, tu veux défendre ton péché, afin de ne point paraître coupable, même après avoir commis quelque faute ; tu cherches à qui renvoyer ta faute, et tu la rejettes sur la race ténébreuse. Vois néanmoins si ce n’est point sur Dieu que tu la fais retomber. Car, cette nation ténébreuse que vous supposez, te dirait, si elle en avait le pouvoir, pourquoi m’accuser ? Ai-je pu, ou non, quelque chose contre Dieu ? Si, oui, je suis plus forte que lui ; si, non, pourquoi me craint-il ? S’il ne me craint point, pourquoi t’envoyer ici pour te faire tant souffrir, toi un de ses membres, toi sa substance ? S’il n’a rien craint, il est donc envieux ; et s’il n’a point la crainte, c’est la cruauté qui l’a fait agir. Quelle injustice pour lui à qui l’on ne pouvait nuire, et qui permet que l’on nuise tant à ses membres ! Ou bien pouvait-on lui nuire ? il n’était donc pas incorruptible. Et dès lors que tu veux défendre ton péché, tu ne saurais louer Dieu. La louange de Dieu ne deviendrait point ta perte, si tu ne t’élevais de la tienne. Commence donc par t’accuser, et alors tu loueras Dieu. Reprends les paroles des psaumes si en horreur chez vous, et dis : « Pour moi, j’ai dit : Seigneur, ayez pitié de moi, guérissez ri mon âme, parce que j’ai péché contre vous ». J’ai dit : C’est moi qui ai péché, ce n’est ni la fortune, ni le destin, ni la gent ténébreuse. Si donc c’est toi qui as péché, vois comment s’élargit cette louange de Dieu, où tu étais à l’étroit quand tu voulais défendre ton péché. Il est mieux d’être à l’étroit dans tes péchés, et au large dans la louange de Dieu. Vois comme la confession de ta faute relève sa gloire ; car il est juste quand il châtie ton obstination, et miséricordieux quand il te délivre en vertu de ton aveu. « N’inclinez donc point mon cœur vers les paroles de malice, pour chercher des excuses à mes péchés », que je n’accuse plus la race ténébreuse d’avoir fait ce que j’ai fait moi-même.
12. « Avec les hommes qui commettent l’iniquité ». Quelle iniquité ? Exposons quelqu’une de leurs doctrines détestables. Écoutez une pratique