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mes péchés ». Pourquoi, Seigneur, faites-vous cette prière ? Quels péchés avez-vous à excuser ? Il nous répond : Quand le moindre des miens fait cette prière, c’est moi qui la fais ; comme il répond ailleurs : « Quand vous l’avez fait au moindre des miens, c’est à moi que vous l’avez fait[1] ».
8. Mais que deviendras-tu, ô membre du Christ, alors que ton cœur ne sera point incliné vers les paroles de malice, pour chercher des excuses au péché, avec les hommes qui commettent l’iniquité, et que tu n’auras point de part avec leurs élus ? Car voici ce qui suit : « Et je n’aurai aucune part avec leurs élus ». Quels sont leurs élus ? Ceux qui se justifient eux-mêmes. Quels sont leurs élus ? Ceux qui se croient justes et méprisent les autres, comme faisait dans le temple ce Pharisien qui disait : « Seigneur, je vous rends grâces de ce que je ne suis point comme le reste des hommes[2] ». Quels sont leurs élus ? « Si cet homme était un prophète, il saurait quelle est la femme qui est à ses pieds »[3]. Reconnaissez-vous ici le langage d’un autre Pharisien qui avait invité le Sauveur, quand une femme pécheresse de cette ville vint se jeter à ses pieds ? Cette femme sans pudeur, naguère effrontée dans ses débauches, plus effrontée encore dans l’affaire de son salut, s’en vient dans une maison étrangère ; mais celui qui était à table n’était point un étranger pour elle. Elle n’était point non plus une étrangère suivant quelqu’un des conviés, mais une servante suivant son maître. Elle s’approcha de ses pieds parce qu’elle voulait suivre ses traces ; elle les lava de ses larmes, les essuya de ses cheveux. Or, quels sont les pieds du Christ, sinon ces hommes par qui il a parcouru le monde entier ? « Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix, qui évangélisent les biens[4] ! » Combien ont reçu ces pieds du Seigneur de manière à mériter la récompense du juste, parce qu’ils ont reçu le juste ; qui ont reçu le Prophète au nom du Prophète, afin de recevoir la récompense du Prophète ! « Et quiconque donnera à boire, seulement un verre d’eau froide à l’un des plus petits en qualité de mon disciple, en vérité je vous le déclare, il ne perdra point sa récompense[5] ». Quiconque reçoit dans ces sentiments les pieds du Seigneur, que donne-t-il, sinon tout ce qu’il a de superflu dans sa maison ? Ce n’était point sans quelque mystère qu’elle essuyait les pieds du Sauveur avec ses cheveux, parce que les cheveux sont un superflu. Tout ton superflu devient nécessaire, si tu en uses pour les pieds du Sauveur. Cette femme voulait donc être guérie, et connaissait ses plaies. Mais si la plaie est grande, le médecin est-il impuissant ? Les Pharisiens ne voulaient point que des impurs approchassent d’eux, ils évitaient le contact des pécheurs, et quand ils n’avaient pu l’éviter, ils se lavaient ; ce qu’ils faisaient presque à chaque heure, non seulement pour eux, mais pour leurs instruments, pour leurs lits, pour leurs coupes, leurs plats, ainsi que le Seigneur en fait mention dans l’Évangile[6]. Donc ce Pharisien connaissait la femme qui était venue aux pieds du Sauveur, et la repoussait de peur que sa propre sainteté n’en reçût quelque atteinte ; sa pureté n’était en effet qu’extérieure, mais non dans l’âme, et comme elle n’était point dans son âme, elle n’était que fausse à l’extérieur comme donc ce Pharisien la repoussait, et que le Seigneur ne la repoussait point, il s’imagina que le Seigneur ne la connaissait point, et il se dit en lui-même : « Si cet homme était un prophète, il connaîtrait quelle est cette femme qui est à ses pieds[7] ». Il ne dit point : il la repousserait, mais il saurait ce qu’elle est, comme si la repousser devait être la conséquence de la connaître. Donc parce qu’il ne la repoussait point, il en conclut à coup sûr qu’il ne la connaissait point. Mais le Seigneur avait l’œil sur cette femme, et l’oreille sur le cœur du Pharisien. Entendant ce qu’il pensait, il lui proposa cette parabole que vous connaissez : « Un créancier avait deux débiteurs : l’un devait cinq cents deniers, et l’autre cinquante. Et comme ils n’avaient pas de quoi payer, il fit grâce à tous deux. Or, dites lequel des deux l’aime le plus. Simon répondit : Je crois que c’est celui à qui il a le plus remis. Jésus lui dit : Vous avez bien jugé. Et, se tournant vers la femme, il dit à Simon : Voyez-vous cette femme ? Je suis entré en votre maison, et vous ne m’avez point donné d’eau pour laver mes pieds ; celle-ci a arrosé mes pieds de ses larmes, et elle les a essuyés avec ses cheveux. Vous ne m’avez point

  1. Mt. 25,40
  2. Lc. 18,11
  3. Id. 7,39
  4. Isa. 52,7 ; Rom. 10,15
  5. Mt. 10,41-42
  6. Mt. 23,21
  7. Lc. 7,39