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Qu’est-ce à dire que déjà les montagnes sont éclairées ? Déjà s’est levé le soleil de justice, déjà les Apôtres ont prêché l’Évangile, prêché les saintes Écritures, toutes les figures sont à découvert, le voile est déchiré[1], le secret du temple est révélé ; qu’ils lèvent enfin les yeux vers les montagnes, d’où leur viendra le secours, Voilà ce que nous ordonne ce psaume, qui est le second parmi les cantiques des degrés. Mais qu’ils ne conçoivent aucune présomption au sujet de ces montagnes, car ces montagnes, loin d’être éclairées par elles-mêmes, reçoivent la lumière de Celui dont il est dit « Et celui-là était la véritable lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde[2] ». Par ces montagnes, on peut entendre les hommes d’une éminente piété, les hommes illustres. Et qui rut pins grand que Jean-Baptiste ? Quelle montagne, que cet homme dont le Sauveur a dit : « Parmi ceux qui sont nés des femmes, nui n’est « plus grand que Jean-Baptiste[3] ? » Assurément tu vois cette montagne, tu en contemples la lumière ; écoute ses aveux. Quels aveux ? « Et nous avons tous reçu de sa plénitude[4] ». De celui qui adonné aux montagnes de sa plénitude, viendra aussi le secours pour toi, et non des montagnes[5]. et toutefois si tu ne lèves les yeux sur ces montagnes, par le moyen des Écritures, tu ne pourras approcher afin d’être éclairé par Celui qui les éclaire.
5. Chante alors ce qui suit Si tu veux savoir sur quels degrés tu poseras solidement ton pied, afin de monter sans fatigue et sans tomber[6], répète ce qui suit : « Ne permettez pas que mon pied soit ébranlé[7] ». Par quoi nos pieds sont-ils ébranlés ? Qui ébranla le pied d’Adam, quand il était dans le paradis ? Mais vois d’abord comment fut ébranlé le pied de celui qui était parmi les anges, et qui tomba par cette secousse, et d’ange qu’il était devint diable : il tomba parce que son pied fut ébranlé. Cherche la cause de sa chute. Il tomba par orgueil. Il n’y a dès lors que l’orgueil pour ébranler nos pieds ; que l’orgueil, pour nous faire chanceler et tomber. La charité, au contraire, nous ébranle pour marcher, pour avancer, pour monter ; l’orgueil, pour nous faire tomber. Aussi qu’est-il dit dans notre psaume ? « Les enfants des hommes espéreront à l’abri de vos ailes[8] ». S’ils sont à l’abri, ils sont toujours humbles, toujours pleins d’espérance en Dieu, toujours sans présomption d’eux-mêmes. « C’est à l’abri de vos ailes qu’ils concevront de l’espérance » ; car ce n’est point en se rassasiant d’eux-mêmes qu’ils goûtent la félicité. Mais que dit ensuite le Prophète ? « Ils seront enivrés de l’abondance de votre maison, et vous les abreuverez au torrent de vos délices[9] ». Les voilà qui ont soif et qui s’enivrent, qui ont soif et qui boivent ; mais ils ne boivent point en eux-mêmes, car ils ne sont point des sources. Où boivent-ils alors ? « C’est à l’abri de vos ailes qu’ils conçoivent l’espérance[10] ». S’ils sont à l’ombre de vos ailes, ils sont humbles. Pourquoi ? « Parce que c’est en vous », dit le Prophète, « qu’est la source de la vie[11] ». Ces montagnes donc ne s’arrosent point elles-mêmes, pas plus qu’elles ne s’illuminent. Vois en effet ce qui suit : « C’est en votre lumière que nous verrons la lumière[12] ». Si donc c’est dans la lumière de Dieu que nous voyous la lumière ; qui est privé de la lumière, sinon l’homme qui ne voit point en Dieu ? Quiconque veut être sa propre lumière, se prive dès lors de la lumière qui l’éclaire. Aussi, sachant qu’il n’y a, pour être privé de la lumière, que celui-là seul qui veut s’éclairer, bien qu’il ne soit que ténèbres, le Prophète ajoute : « Que le pied de l’orgueil ne vienne point contre moi, et que la main du pécheur ne m’ébranle point » ; c’est-à-dire, qu’à l’imitation des pécheurs, je ne sois point ébranlé et séparé de vous. Mais pourquoi craindre et dire : « Que le pied de l’orgueil ne vienne point sur moi ? » Le Prophète répond : « C’est là que sont tombés ceux qui commettent l’iniquité[13] ». Tous ceux qui commettent maintenant l’iniquité sous tes yeux sont déjà condamnés ;

  1. Mt. 27,51
  2. Jn. 1,9
  3. Mt. 11,11
  4. Jn. 1,16
  5. D’ancienne, éditions de Venise et de Paris continuent ainsi : « c’est donc le Christ, le Fils du souverain Père qui est notre salut et notre secours ; et avec ce mème Père. Il est tout-puissant, et il demeure en lui, en son essence. Enfin, si tu ne lèves les yeux sur ces montagnes, etc. »
  6. On trouve ici dans ces mêmes éditions : « Et sans tomber. Mon secours, dit le Prophète, est dans le Seigneur. Non point dans tout seigneur, car il est beaucoup d’hommes ainsi appelés, et qui sont mortels, fragiles et misérables ; mais dans le Seigneur de, seigneurs, dans celui qui a fait le ciel et la terre. Voilà le souverain Seigneur, qui est le Dieu des dieux ; il est Dieu parce que tout ce qui a été fait l’a été par lui, et c’est de lui que tout tient l’être ; il est Seigneur, parce qu’il possède au-delà de toute expression tout ce qui est. Il est donc bon, et souverain Seigneur, et Dieu. Si, au moyen de ces montagnes, tu lèves tes yeux vers lui, tu en obtiendras un s secours éternel. Donc, afin qu’il soit ton secours, invoque-le, et… »
  7. Ps. 120,3
  8. Ps. 35,8
  9. Id. 9
  10. Id. 8
  11. Id. 10
  12. Id.
  13. Id. 35,12-13