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DISCOURS SUR LE PSAUME 139

SERMON PRÊCHÉ AU PEUPLE DANS UNE ASSEMBLÉE D’ÉVÊQUES.

L’ÉGLISE AU MILIEU DES MÉCHANTS.

Quiconque appartient au Christ doit soupirer après la justice, mais non se séparer des méchants dont le discernement n’appartient qu’à Dieu. Aimons dans les méchants ce que Dieu a fait, haïssons ce qu’ils font.

« Pour la fin », ou pour le Christ fin de la loi, « à David », ou au Christ, fils de David selon la chair. L’homme méchant dont l’interlocuteur veut être délivré, c’est le diable, appelé aussi l’homme ennemi ; c’est encore l’homme vicieux qui se nuit à lui-même et aux autres par l’exemple, homme que nous devons essayer de corriger. Il médite le crime, et m’oppose la guerre ou des projets que je dois combattre, il aiguise sa langue et a le venin du serpent dans ses paroles hypocrites ; il cherche à supplanter mes démarches, c’est-à-dire ou à m’arrêter dans la voie de Dieu, ou à m’en faire sortir. Leur opposer la prière. Les superbes ou suppôts de Satan cachent leurs pièges contre le juste, s’efforçant de l’entraîner, comme Satan entraîna l’homme. Au lieu de porter envie au juste, soyez justes, la volonté suffit. Ce piège de cordes tendu par les méchants, c’est le péché ajouté à lui-même, fil par fil, non fil droit mais tordu ; piège tendu, e long des préceptes ; suivons ceux-ci, nous éviterons l’autre. Le Prophète veut que le Seigneur écoute la voix, ou la vie de sa prière, et non un vain son. Il en appelle à Dieu contre les scandales, demande la véritable force qui le fera persévérer, lui donnera la résistance des martyrs, lui fera voir le piège. Ceux qui sont pris dans le cercle de l’erreur tourneront sans fin, s’épuiseront à mentir, seront exposés aux charbons ardents, qui consumeront les uns, rallumeront les autres.

Ce grand parleur qui ne peut subsister, c’est l’homme qui se jette au-dehors, qui cherche l’occasion de paraître ; aimons l’intérieur, n’instruisons que par nécessité. Le mal qui s’attaque à l’homme d’iniquité lui donne la mort, au juste il meurtrit la chair sans atteindre l’âme. Le pauvre auquel Dieu fera justice est celui qui a faim et soif de la justice, et qui obtiendra l’objet de ses désirs ; les justes confesseront le nom du Seigneur, c’est-à-dire qu’ils n’attribueront rien à leur propre justice, mais tout à la divine miséricorde, et à cause de leur justice, ils verront Dieu.


1. Mes seigneurs et frères[1] m’ont ordonné, et par eux le Seigneur de tous, de vous exposer ce psaume autant qu’il m’en donnera la force. Puisse-t-il exaucer vos prières, et mettre dans ma bouche ce que je dois dire, ce que vous devez entendre, et qu’ainsi la parole de Dieu nous soit avantageuse à tous. Si elle ne l’est pas quelquefois pour tous, c’est que tous n’ont pas la foi[2]. Or, cette foi est dans l’âme comme une racine vivace qui permet à la pluie d’aboutir au fruit ; tandis que l’infidélité, les erreurs du diable, et les mauvais désirs qui sont la racine de tous les maux[3], ressemblent aux racines de l’épine qui changent en pointes aigués la bienfaisante rosée.
2. Vous avez remarqué, je crois, ce que contient le psaume, quand on le chantait c’est une plainte, un gémissement, c’est une prière qu’adresse à Dieu le corps du Christ confondu avec les méchants. C’est toujours lui qui parle dans ces sortes de prophéties c’est lui qui est pauvre, qui n’est point rassasié, qui a pour la justice[4] cette faim et cette soif que Dieu promet de rassasier un jour. Mais, jusqu’à ce moment, qu’il ait faim, qu’il ait soif ici-bas, qu’il gémisse, qu’il frappe et qu’il cherche. Qu’il résiste aux charmes de l’exil, ne regarde point comme sa patrie ce siècle dont le Christ est venu nous délivrer. Car le Christ a voulu devenir notre tête, la tête d’un certain corps ; puisqu’on ne saurait donner le nom de tête à ce qui n’a point un corps dont il soit le chef. Donc, si le Christ est la tête, c’est qu’il y a un corps dont il est la tête. Or, la sainte Église est le corps de ce chef auguste, et nous en sommes les membres, si nous aimons notre chef. Écoutons donc les paroles de ce corps, c’est-à-dire les nôtres, si nous sommes dans le corps du Christ ; quiconque n’en est point, fait nombre avec ceux au milieu desquels il gémit. Dès lors, ou bien tu feras partie du corps, tu gémiras au milieu des méchants, ou bien tu ne seras point de ce corps mystique, et alors tu feras partie des méchants parmi lesquels ce corps gémit aujourd’hui ; tu seras donc ou membre dans le corps du Christ, ou ennemi du corps du Christ. Or, ces ennemis du corps du Christ, ou ses adversaires, ne doivent pas s’entendre dans un même sens, et n’agissent point de la même manière. Celui qui règne en eux, qui s’en fait

  1. Des évêques, sans doute, réunis alors
  2. 2 Thes. 3,2
  3. 1 Tim. 6,10
  4. Mt. 5,6