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pauvreté que l’abondance. Vous donc, ô saint Prophète, qui avez dit : « Hâtez-vous de me secourir », qui éloignez de vous tout ce qui est charnel, tout ce qui est terrestre, tout désir mondain, que voulez-vous dire à Dieu « Vous me multiplierez dans mon âme ? » Expliquez-nous votre désir. « Vous me multiplierez dans mon âme », dit-il, « par la vertu ». Voilà clairement ce qu’il souhaite, voilà son désir sans aucune confusion. S’il disait simplement : « Vous me multiplierez », on pourrait s’arrêter à quelque chose de terrestre ; il ajoute « dans mon âme » ; et, pour éloigner toute pensée du vice dans l’âme, il ajoute encore, « par la vertu ». Vous n’avez plus rien à désirer, si vous voulez dire à Dieu avec une sainte franchise : « Hâtez-vous de me secourir ».
9. « Que tous les rois de la terre vous confessent, ô mon Dieu ». Ainsi en sera-t-il, mes frères, ainsi en est-il, et en est-il tous les jours ; c’est ce qui nous montre que cette parole n’est pas vaine, et que le Prophète lisait dans l’avenir. « Que tous les rois de la terre vous confessent, ô mon Dieu[1] ». Mais que ces rois eux-mêmes, quand ils vous confessent, quand ils vous louent, ne vous demandent rien de terrestre. Que peuvent, en effet, désirer les rois de la terre ? N’ont-ils pas le souverain pouvoir ? Quelle que soit l’ambition d’un homme sur la terre, elle ne dépasse point le pouvoir suprême. Coin ment s’élever plus haut ? Il faut sans doute un pouvoir suprême, et néanmoins plus elle est élevée, plus elle est dangereuse. Et dès lors, plus les rois sont élevés en dignité sur la terre, plus ils doivent s’humilier devant Dieu. Pourquoi en agissent-ils de la sorte ? « Parce qu’ils ont entendu toutes les paroles de votre bouche ». O mon Dieu, « toutes les paroles de votre bouche ! » La loi et les Prophètes étaient ensevelis chez je ne sais quelle nation, c’étaient là « toutes les paroles de votre bouche » ; mais on ne trouvait que chez le peuple juif « toutes ces paroles de votre bouche ». C’est en l’honneur de cette nation que l’Apôtre a dit : « Quel est donc l’avantage des Juifs ? ou de quoi sert la circoncision ? L’avantage des Juifs est grand de toute manière, d’abord parce que c’est à eux que les oracles de Dieu ont été confiés[2] ». C’est là qu’étaient les paroles de Dieu. Mais voici Gédéon, saint personnage, au temps des Juges : voyez quel signe il demande au Seigneur : « Je mettrai une toison dans l’aire », dit-il : « que la toison soit baignée, et que l’aire demeure sèche[3] ». Ce qui fut accompli : l’aire demeura sèche, et la toison fut baignée. Puis il demanda un second signe, « que l’aire soit baignée complètement, et que la toison demeure sèche ». Ce qui fut accompli, l’aire fut trempée et la toison demeura sèche. D’abord la toison fut baignée, tandis que l’aire demeurait sèche, puis la toison demeura sèche, tandis que l’aire était baignée. Mais celte aire, que figurait-elle selon vous ? N’est-ce pas l’univers entier ? Que signifie la toison ? La nation juive au milieu de l’univers ; elle ales sources de la grâce, non point en évidence, mais sous le voile du mystère, la tenant cachée sous les symboles, comme la pluie dans la toison. Mais le temps vint où la pluie devait être visible dans l’aire ; elle y est manifestée sans aucun voile. Ainsi donc s’est accomplie cette parole : « Seigneur, que tous les rois de la terre vous confessent ». Pourquoi, Israël, cacher cette précieuse rosée ? combien de temps la voulais-tu cacher ? La toison est enfin pressée, et de toi est sortie la pluie. Il n’y a que le Christ pour donner à la pluie sa douceur, et il n’y a que le Christ que tu ne voies pas clans les Écritures, quand les Écritures sont faites pour lui seul. Mais, « que tous les rois de la terre vous confessent, ô mon Dieu, puisqu’ils ont entendu toutes les paroles de votre bouche ».
10. « Qu’ils chantent dans les voies du Seigneur, parce que la gloire du Seigneur est grande[4] ». Que les rois de la terre chantent dans les voies du Seigneur. Dans quelles voies ? Dans celles dont il est dit plus haut : « Dans votre miséricorde et dans votre vérité parce que toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité[5] ». Que les rois ne soient donc point orgueilleux, mais humbles ; qu’ils chantent dans les voies du Seigneur, s’ils ont l’humilité ; qu’ils aiment et ils chanteront. Nous voyons des voyageurs chanter ; ils chantent et se hâtent d’arriver. Il est des chants criminels, cornue les chants du vieil homme ; mais à l’homme nouveau appartient le chant nouveau. Que les rois de la terre marchent donc aussi dans vos voies, oui, dans vos voies, qu’ils marchent et qu’

  1. Ps. 137,4
  2. Rom. 3,1-2
  3. Jug. 6,36-40
  4. Ps. 137,5
  5. Id. 24,10