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ces paroles : « Je vous confesserai, Seigneur », ou « nous vous confesserons », la coutume de l’entendre ainsi fait que nos mains cherchent à frapper nos poitrines, tant les hommes sont habitués à ne voir dans la confession que celle des péchés. Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ était-il un pécheur, lui qui dit dans l’Évangile : « Je vous confesse, ô mon Père, Seigneur du ciel et de la terre ? » La suite nous montre ce qu’il confessera ; et nous indique une confession de louanges, et non l’aveu des péchés. « Je vous confesse », dit-il, « ô mon Père, Dieu du ciel et de la terre, parce que vous avez dérobé ces choses aux sages et aux prudents, pour les révéler aux petits[1] ». Il a donc loué son Père, il a loué Dieu, qui ne méprise point les humbles, mais les superbes ; et la confession que nous allons entendre dans notre psaume est une confession de louanges et d’actions de grâces. « Seigneur », dit-il, « je vous confesserai de tout mon cœur ». C’est donc mon cœur tout entier que je mets sur l’autel de votre confession, c’est un holocauste de louanges que je viens vous offrir. Car on appelle holocauste ce sacrifice où tout est consumé ; puisque olon, en grec, se traduit en latin par totum, tout entier. Or, vois comment il offre un holocauste spirituel celui qui dit : « Seigneur, je vous confesserai de tout mon cœur ». Oui, que la flamme de votre amour embrase entièrement mon cœur ; que rien de ce qui est à moi ne m’appartienne plus, ni ne me fasse replier sur moi-même ; que tous mes désirs soient pour vous, toute mon ardeur pour vous, tout mon amour pour vous, que je sois embrasé de vous-même. « Seigneur, je vous confesserai de tout mon cœur, parce que vous avez entendu les paroles de ma bouche ». De quelle bouche, sinon de la bouche de mon cœur ? Nos cœurs aussi ont une voix que Dieu entend, bien qu’elle n’arrive pas à l’oreille de l’homme. Ils criaient sans doute, les accusateurs de Suzanne, mais ils ne levaient pas les yeux au ciel : tandis que Suzanne silencieuse criait de tout son cœur. De là vient qu’elle mérita d’être exaucée, eux d’être châtiés[2]. Nous avons donc une bouche intérieure ; c’est là que nous prions, et de là encore que nous prions. Et si nous avons préparé à Dieu un logis, une demeure, c’est là que nous lui parlons, là que nous sommes exaucés : car il n’est pas éloigné de chacun de nous : « c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être[3] ». Il n’y a que le péché qui nous éloigne de Dieu. Renverse la muraille du péché qui s’élève entre toi et Dieu, et tu seras avec celui que tu implores. « Vous avez entendu les paroles de ma bouche », dit le Prophète, « et je vous confesserai ».
3. « Je vous chanterai des hymnes en présence des anges ». Ce n’est point en présence des hommes, c’est en présence des anges que je vous chanterai des hymnes. Mon psaltérion, c’est ma joie. La joie qui me vient des choses d’ici-bas est avec les hommes, celle qui me vient des choses d’en haut est avec les anges. Car l’impie ne connaît point la joie du juste. « Il n’y a point, en effet, de joie pour l’impie, a dit le Seigneur[4] ». L’impie trouve sa joie dans la taverne, le martyr dans sa chaîne. Quelle n’était pas la joie de cette Crispine dont nous célébrons aujourd’hui la fête ? Sa joie était d’être livrée aux persécuteurs, d’être traînée devant les tribunaux, d’être enfermée dans les cachots, d’être exposée avec ses chaînes, d’être élevée sur le chevalet, d’être écoutée, d’être condamnée : tout cela lui donnait de la joie, et quand ces misérables croyaient à sa misère, elle était dans la joie aux yeux des anges.
4. « Je vous adorerai dans votre saint temple[5] ». Quel est ce saint temple ? Celui où nous devons habiter, où flous devons adorer. Car nous courons pour adorer Dieu. Notre cœur gonflé veut enfanter, et cherche où il pourra le faire. Or, quel est ce lieu où il faut adorer Dieu ? Quel est ce monde ? Quel est cet édifice ? Quel est son trône dans le ciel, au milieu des étoiles ? Nous le cherchons dans les saintes Écritures et nous le trouvons dans la Sagesse : « Pour moi », dit-elle, « j’étais avec lui, et chaque jour je faisais ses délices ». Puis elle chante les œuvres de Dieu et nous indique son trône. Quel est-il ? « Quand Dieu », dit-elle, « affermissait les nuées en haut, quand il établissait son trône au-dessus des vents[6] ». Mais son trône est aussi son temple. Où donc irons-nous ? Est-ce par-dessus les vents qu’il nous faudra l’adorer ? S’il faut l’adorer par-dessus les vents, les oiseaux l’emportent sur nous. Mais si nous

  1. Mt. 11,23
  2. Dan. 13,34
  3. Act. 17,27-28
  4. Isa. 48,22 ; 57,21
  5. Ps. 137,2
  6. Prov. 8,27-30