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parce qu’elle domine la mer qui est moins élevée. C’est ainsi qu’il est dit que Pharaon s’élança « sur les eaux[1] » ; tel est le texte grec traduit par les latins, « vers les eaux » ; ainsi encore il est dit que le Seigneur « était assis sur le puits[2] », parce que l’un et l’autre dominaient le puits et le fleuve, l’un près du fleuve, l’autre près du puits.
8. Si cette expression du Prophète : « Dieu fit les cieux par son intelligence », peut avoir un sens qui nous regarde plus spécialement, comme si les cieux étaient les saints de Dieu, parvenus à cette spiritualité qui n’est plus seulement la foi aux choses divines, mais l’intelligence même ; ceux qui ne peuvent s’élever jusque-là, et qui s’en tiennent lune foi très ferme, auraient pour symbole cette terre qui est inférieure aux cieux. Et comme ils demeurent inébranlables dans cette foi qu’ils ont reçue au baptême, il est dit : « Il a affermi la terre sur les eaux ». De même il est écrit qu’en Jésus-Christ Notre-Seigneur sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science[3]. Or, qu’il y ait une différence entre la sagesse et la science, nous en avons d’autres preuves dans les saintes Écritures, et surtout dans les saintes paroles de Job, qui nous définit en quelque sorte l’une et l’autre : voici en effet ces paroles : « Il dit à l’homme : La sagesse consiste dans la piété, et la science à s’abstenir du mal[4] ». Nous sommes autorisés, dès lors, à faire consister la sagesse dans la connaissance et dans l’amour de celui qui subsiste toujours, qui est toujours immuable, c’est-à-dire Dieu, Cette piété, en effet, en laquelle consiste la sagesse, se nomme en grec Theosebeia, que l’on pourrait traduire en latin par culte de Dieu. Et cette science qui consiste à s’abstenir du mal[5], qu’est-ce autre chose que vivre avec précaution et prudence, au milieu d’une nation dépravée et corrompue, et comme dans les ténèbres de ce monde, afin que tout fidèle, s’abstenant de l’iniquité, ne soit point confondu dans les ténèbres, mais qu’il s’en éloigne par sa propre lumière ? Saint Paul, afin de faire ressortir quelque part l’harmonie qui se trouve entre les différents dons que Dieu fait aux hommes, met ceux-ci en avant : « L’un reçoit de l’Esprit-Saint le discours de la sagesse » ; c’est là, je crois, « Le soleil pour présider au jour : « l’autre, du même Esprit, le discours de la science », ce qui marque la lune. Les étoiles aussi pourraient être désignées dans ces paroles : « Un autre reçoit le don de foi, par le même Esprit, un autre reçoit le don de guérir les malades, un autre le don des miracles, un autre le don de prophétie, un autre le don de parler diverses langues, un autre le don de les interpréter, un autre le discernement des esprits[6] ». Il n’y a en effet aucun de ces dons qui ne soit nécessaire, dans cette nuit du monde ; une fois qu’elle sera écoulée, ils ne seront d’aucune utilité ; de là vient l’expression « pour éclairer la nuit ». Le texte porte in potestatem, et dit « au pouvoir de la nuit », ou « du jour », c’est-à-dire la puissance d’éclairer le jour ou la nuit ; ce qui convient parfaitement aux dons spirituels, puisque Dieu a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu[7]. « Il a frappé l’Égypte avec ses premiers-nés » ; il a frappé le monde avec tout ce qui paraît éclatant dans le monde.
9. « Il a tiré Israël du milieu de l’Égypte ». Il a tiré du milieu des méchants ses saints et ses fidèles. « Avec une main puissante, et un bras élevé[8] ». Quel bras plus puissant et plus élevé que celui dont il est dit : « A qui le bras du Seigneur a-t-il été montré[9] ? Lui qui a séparé la mer Rouge en deux parts ». Il fait encore aujourd’hui cette division, puisque le même baptême donne aux uns la vie, aux autres la mort. « Il a conduit Israël par le milieu de cette mer ». Il conduit aussi à travers le bain de la régénération son peuple renouvelé. « Il a renversé Pharaon et toute sa puissance dans la mer Rouge ». Par le baptême, il donne la mort au péché de ses serviteurs, et à toutes ses traces. « Il a conduit son peuple par le désert ». Il nous fait aussi traverser le désert et les aridités de cette vie, de peur que nous n’y périssions, « Il a frappé de grands rois et mis à mort des rois puissants ». Il frappe, il met à mort par nous les puissances diaboliques, les esprits de malice. « Seon, roi des Amorrhéens » ; c’est-à-dire, ce germe inutile, ce foyer de tentation, que signifie Seon, le roi des Amorrhéens ou de l’amertume « Et Og, roi de Basan ». Og, ou celui qui amasse, roi de Basan ou de la confusion. Que peut amasser le diable, sinon la confusion ? « Il

  1. Exod. 8,15
  2. Jn. 4,6
  3. Col. 2,3
  4. Job. 28,28
  5. Phil. 2,15
  6. 1 Cor. 12,8-10
  7. Jn. 1,12
  8. Ps. 135,11-12
  9. Isa. 53,1