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aveugles, et les humbles ont été éclairés. « Le Seigneur a donc jugé son peuple ». Isaïe a parlé de ce jugement : « Et maintenant, ô toi, maison de Jacob, marchons dans la lumière du Seigneur »[1]. C’est peu encore, qu’est-il dit ensuite ? Car Dieu a abandonné son peuple, la maison d’Israël. La maison de Jacob est en effet la maison d’Israël, et dire Jacob c’est dire Israël. Vous connaissez les saintes Écritures, et il me semble qu’il vous revient à l’esprit que Jacob, voyant un ange qui luttait contre lui, reçut alors le nom d’Israël[2]. Jacob est donc le même homme, la même personne qu’Israël ; et dès lors la maison de Jacob ou la maison d’Israël, c’est une même nation, un même peuple. Et voilà que Dieu appelle l’un et rejette l’autre. Et maintenant tu ne saurais le désavouer, ô maison de Jacob, tu as tué le Christ, tu as branlé la tête devant la croix, tu as raillé celui qui y était pendu, tu as dit : « S’il est le Fils de Dieu, qu’il descende de la croix[3] ». Le Médecin a prié pour ces frénétiques : « Mon Père, pardonnez-leur, ils ne savent ce qu’ils font »[4]. Voilà tout ce que tu as fait. Et maintenant, crois en celui que tu as mis à mort, et bois le sang que tu as répandu. Toi donc, ô maison de Jacob, je veux t’exposer par le témoignage d’Isaïe ces paroles du Psalmiste : « Le Seigneur a jugé son peuple, et il se laissera fléchir par ses serviteurs ». Il faut comprendre que Dieu a jugé son peuple, lorsque dans ce même peuple il a séparé les bons des méchants, les fidèles des infidèles, les Apôtres des Juifs menteurs. Voilà, comme j’avais commencé à vous le dire, ce que le Seigneur nous annonçait par son Prophète : « Après ces malheurs que tu as endurés, ô maison de Jacob, venez, marchons à la lumière du Seigneur ». Pourquoi, vous dis-je, « venez et « marchons à la lumière du Seigneur ? » De peur qu’en demeurant dans le judaïsme, vous n’arriviez pas au Christ. Pourquoi en effet ? Le Christ n’a-t-il pas été toujours prophétisé dans ce même peuple ? Il est vrai ; mais maintenant il a délaissé son peuple, qui est la maison d’Israël. Viens donc, ô maison de Jacob, puisque le Seigneur a délaissé son peuple qui est la maison de Jacob ; viens, ô maison d’Israël, puisque le Seigneur a délaissé son peuple la maison d’Israël. Pourquoi celle-ci vient-elle et l’autre est-elle délaissée, sinon parce que tel est le jugement du Seigneur « Que ceux qui ne voient point verront, et que ceux qui voient seront aveugles[5] ? » Et le Seigneur l’a exercé sur son peuple. Il a donc fait la séparation ; mais n’y trouvera-t-il personne à rétablir dans son royaume ? Assurément il trouvera quelqu’un. « Mais il se laissera fléchir par ses serviteurs. Il n’a point repoussé », dit l’Apôtre, « ce peuple qu’il s’était choisi[6] ». Et quelle preuve en donne-t-il ? « Car, moi aussi, je suis Israélite ». Donc le Seigneur a jugé son peuple, « en séparant les bons des méchants » ; c’est-à-dire « en se laissant fléchir par ses serviteurs ». Par qui ? Par les Gentils. Combien de Gentils sont venus à lui par la foi ! Combien de campagnes, combien de déserts viennent à lui maintenant ! Ils viennent de là en troupes sans nombre, ils veulent croire et nous leur disons : Que voulez-vous ? Connaître la gloire de Dieu. Croyez, mes frères, que cette réponse dans les campagnes nous jette dans l’admiration et dans la joie. Ils viennent je ne sais d’où, stimulés par je ne sais qui. Que dis-je, je ne sais par qui ? Je le sais bien au contraire ; puisque « personne », dit le Seigneur, « ne vient à moi, si mon Père ne l’attire[7] ». Ils viennent à l’Église, et des forêts, et du désert, et des montagnes les plus éloignées et les plus abruptes, et tous ou presque tous nous tiennent le même langage, en sorte que nous reconnaissons que c’est Dieu qui les instruit. Ainsi s’accomplit celle parole prophétique : « Ils seront tous instruits par Dieu[8] ». Nous leur demandons : Que désirez-vous ? Et ils nous répondent : Voir la gloire de Dieu. « Car tous ont péché, et tous ont besoin de la gloire du Seigneur[9] ». Ils croient, ils sont consacrés à Dieu, ils veulent qu’on leur donne un clergé. N’est-ce point ainsi que s’accomplit cette parole : « Il se laissera fléchir par ses serviteurs ? »
23. Après avoir ainsi tout disposé dans un ordre sacré, l’Esprit de Dieu jette aux idoles des nations que méprisent leurs adorateurs, cette suprême ironie : « Les idoles des nations ne sont que de l’or et de l’argent ». Lorsque Dieu fait ainsi sa volonté dans le ciel et sur la terre, quand il a jugé son peuple, et s’est laissé fléchir par les supplications de

  1. Isa. 2,5-6
  2. Gen. 32,28
  3. Mat. 27,39-43
  4. Luc. 23,34-35
  5. Jn. 9,39
  6. Rom. 11,1-2
  7. Jn. 6,1-2
  8. Isa. 54,13 ; Jn. 6,45
  9. Rom. 3,23