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ne cherche qu’à fermer la voie, pour nous empêcher de croire en Dieu. C’est en effet la croyance en Dieu qui nous ouvre le chemin[1]. Mais si la voie nous est fermée par l’incrédulité, que reste-t-il aux incrédules, sinon la confusion, quand viendra celui qu’a repoussé leur incrédulité ? Pourquoi ? Parce que la fermeture vient d’abord, et ensuite la confusion. La fermeture marche en avant comme roi, la confusion vient ensuite comme peuple. Ceux que le démon enferme afin qu’ils ne croient point au Christ, seront confondus quand le Christ apparaîtra, et leurs iniquités s’élèveront contre eux-mêmes. Alors les impies diront dans leur confusion : De quoi nous a servi notre orgueil[2] ? Voilà, mes frères, de grands mystères. La dispersion est le roi de l’affliction, et les peuples ne sont désunis que pour être affligés. Oui, voilà de grands mystères. La tentation des yeux, ou la fausseté, est le roi des cœurs amers ; ils trompent afin de répandre leur amertume. La fermeture est le roi de la confusion ; car on ferme d’abord tout chemin à la foi, et il ne reste que la confusion pour le moment où viendra celui en qui l’on n’a point voulu croire. Dieu tua aussi tous les « royaumes de Chanaan ». Ce nom de Chanaan signifie prêt à l’humiliation. Or, l’humiliation désignerait un certain bien, pourvu qu’elle fût utile ; mais quand elle est dure pour l’homme humilié, elle devient une peine. S’il n’y avait une peine dans l’humiliation, l’Évangile ne dirait point : « Quiconque s’élève sera humilié[3] ». Un châtiment qui doit mous humilier n’est donc pas un bienfait. Chanaan dès lors est ici un orgueilleux. Tout impie, tout infidèle élève son cœur ; il refuse de croire en Dieu. Mais cet orgueil est destiné à l’humiliation pour le jour du jugement : c’est alors qu’il sera humilié contre son gré. Car il y a des vases de colère, qui ne sont faits que pour la perdition[4]. ici-bas qu’ils s’élèvent, qu’ils raillent, qu’ils prennent le pas sur les fidèles, décochent sur eux leurs sarcasmes, et leurs blasphèmes sur les chrétiens. Qu’ils traitent de fable ce que nous disons du jugement ; cet échafaudage d’orgueil est destiné à l’humiliation. Quand viendra ce juge dont l’annonce provoque leur dérision, alors sera humilié non pour son salut, mais pour son supplice, celui qui s’élève maintenant avec orgueil. Maintenant il n’est pas humilié ; mais il est destiné à l’humiliation, c’est-à-dire destiné à la damnation, destiné à l’expiation.
21. Voilà donc tout ce que Dieu détruit ; il le détruisit autrefois visiblement, quand nos pères sortirent de la terre d’Égypte ; aujourd’hui il le détruit d’une manière spirituelle, et sa main ne cessera de le faire jusqu’à la fin des siècles. Et pour nous empêcher de croire que Dieu ait alors épuisé sa puissance, le Prophète ajoute : « Votre nom, Seigneur, est pour toujours » ; c’est-à-dire, voire miséricorde, votre main puissante ne cesse, dans le cours des siècles, de faire ce que vous faisiez alors en figure : « Car tout ce qui arrivait alors aux Juifs était figuratif ; on l’a consigné, afin de nous en instruire, nous qui venons à la fin des temps. Seigneur, votre mémoire s’étend de génération en génération[5] ». Or, il y a génération et génération ; il est une génération qui nous met au nombre des fidèles, en nous faisant renaître par le baptême, et une génération qui nous fait ressusciter d’entre les morts, et nous met au nombre des anges pour la vie éternelle. Mais votre mémoire, ô mon Dieu, est au-dessus de l’une et de l’autre de ces générations, parce que le Seigneur n’a point oublié de nous appeler dès aujourd’hui, et qu’il n’oubliera point alors de nous couronner. « Votre mémoire, Seigneur, passera de génération en génération ».
22. « Car le Seigneur a jugé son peuple[6] ». Tout cela s’est accompli dans le peuple juif. Mais a-t-il cessé d’agir, après avoir introduit son peuple dans la terre promise ? Il le jugera sans doute : « Le Seigneur a jugé son peuple, et il se laissera fléchir par ses serviteurs. » Déjà il a jugé son peuple, et sans parler du jugement à venir, il a fait éclater ses jugements sur le peuple juif. Qu’est-ce à dire que ce peuple est jugé ? Que les justes en sont séparés, qu’il n’y demeure que les injustes. Si je me trompe, ou si l’on m’accuse d’erreur, parce que j’ai dit que ce peuple a déjà subi son jugement, écoutons cette parole du Seigneur : « Je suis venu dans ce monde pour juger, afin que ceux qui ne voient pas voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles[7] ». Les orgueilleux sont devenus

  1. Jn. 14,6
  2. Sag. 5,8
  3. Lc. 14,11 ; 18,14
  4. Rom. 9,22
  5. 1 Cor. 10,11
  6. Ps. 134,14
  7. Jn. 9,39