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pensées des hommes. Comment Dieu y agit-il selon sa volonté ? « Parce que le Seigneur interroge le juste et l’impie ; mais celui qui aime l’iniquité hait son âme[1] » Où le Seigneur peut-il le sonder ? Il est écrit ailleurs : « C’est dans les pensées de l’impie que Dieu l’interroge[2]. Le Seigneur fait donc selon sa volonté dans tous les abîmes ». Le cœur qui est bon est caché, le cœur qui est méchant nous est caché aussi, le cœur qui est bon est un abîme, comme le méchant est un abîme ; mais tout cela est à découvert pour Dieu à qui rien n’échappe. Il est la consolation du cœur qui est bon, le tourment d’un cœur pervers. Donc « il a fait selon sa volonté dans le ciel, sur la terre, dans la mer, et dans tous les abîmes ».
17. « Il fait venir les nuées des extrémités de la terre[3] ». Quelles nuées ? Les prédicateurs de sa vérité : c’est à propos de ces nuées que dans sa colère contre sa vigne il a dit « Je donnerai ordre à mes nuées de ne répandre aucune pluie sur elle[4] ». C’est peu d’avoir fait venir de Jérusalem ou d’Israël ces nuées qu’il envoya prêcher son Évangile dans l’univers entier, selon ce qui est prédit de ces nuées : « Leur voix a retenti sur toute la terre, et le bruit de leurs paroles jusqu’aux confins du monde[5] ». Cela est peu ; mais comme le Seigneur a dit lui-même : « Cet Évangile du royaume sera prêché dans tout le monde pour servir de témoignage à toutes les nations[6] », il fait venir les nuées des confins de la terre. Car à mesure que s’étendra la prédication de l’Évangile, comment les prédicateurs de cet Évangile seraient-ils des confins de la terre, si le Seigneur n’y suscitait des nuées ? Or, que fait-il au sujet de ces nuages ? « Il résout les tonnerres en pluie ». Ses menaces se changent en miséricorde, ses tonnerres deviennent la pluie. Comment ses terreurs se changent-elles en rosée ? Quand le Seigneur te menace par ses Prophètes, ou par ses Apôtres, et que tu es dans la crainte, n’est-ce pas un tonnerre qui t’effraie ? Mais quand la pénitence te corrige, que tu vois en cela un acte de miséricorde, l’éclat du tonnerre se change en pluie. « C’est lui qui tire les vents de ses trésors ». Je crois que ces mêmes prédicateurs sont tout à la fois des vents et des nuées ; nuées à cause de la chair, vents à cause de l’esprit. On voit les nuées, on sent les vents qu’on ne voit point. Enfin, parce que nous voyons que la chair vient de la terre, le Prophète nous dit que Dieu « les fait sortir des extrémités de la terre ». Il nous avait marqué d’où le Seigneur fait venir les nuées : et quant aux vents, comme on ne sait d’où vient l’esprit de l’homme[7], il nous dit que « Dieu tire les vents de ses trésors ». Un peu d’attention, mes frères, et voyons le reste.
18. « C’est lui qui a frappé les premiers-nés de l’Égypte, depuis les hommes jusqu’aux bêtes[8] ». Que Dieu par sa miséricorde conserve nos premiers-nés, puisqu’ils nous viennent de sa faveur. C’est un pénible châtiment, c’est une plaie bien cruelle que la mort des premiers-nés. Quels sont les premiers-nés pour nous ? Nos premiers-nés sont les œuvres par lesquelles nous servons Dieu. Car nous avons pour prémices la foi ; c’est par là que nous commençons. Il a été dit à l’Église : « Tu viendras et tu passeras outre, en commençant par la foi[9][10] ». Or, nul ne commence une vie sainte, sinon par la foi. C’est donc la foi qui est notre premier-né. Conservons bien la foi, et le reste Peut suivre. Ce qui fait que les hommes deviennent de plus en plus purs, qu’ils font des progrès dans la vertu, qu’ils mènent une vie plus sainte, et que l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour, selon cette parole de l’Apôtre « Bien que l’homme extérieur s’en aille en corruption, l’homme intérieur néanmoins se renouvelle de jour en jour[11] » ; c’est la foi qui vit en nous dans sa pureté primitive ; et c’est de cette foi première que l’Apôtre a dit : « Non seulement les autres créatures, mais nous-mêmes qui avons les prémices de l’Esprit » ; c’est-à-dire, nous qui donnons à Dieu les prémices de notre esprit, ou notre foi qui est comme notre premier-né ; « néanmoins nous gémissons en nous-mêmes, dans l’attente de l’adoption, qui sera la délivrance de notre corps[12] ». Si donc c’est une grande faveur de Dieu que la conservation de notre foi, c’est un grand châtiment que la mort de nos premiers-nés, lorsque les hommes en viennent à perdre la foi dans les persécutions de l’Église. Car on n’afflige l’Église que pour détruire la foi, et l’Égypte signifie affliction. Quiconque dès lors afflige l’Église, quiconque jette

  1. Ps. 10,6
  2. Sag. 1,9
  3. Ps. 134,7
  4. Isa. 5,6
  5. Ps. 18,5
  6. Mt. 24,14
  7. Jn. 3,8
  8. Ps. 134,8
  9. Cant. 4,8
  10. selon les LXX
  11. 2 Cor. 4,16
  12. Rom. 8,23